Surconsommation de tabac, d’alcool, sédentarité… Le chômage favorise les comportements à risque, et le facteur socioéconomique influence fortement la santé cardiovasculaire, multipliant la mortalité cardiovasculaire par deux.
Mais même en corrigeant ces biais dans les statistiques de mortalité, des chercheurs danois de l’hôpital universitaire de Copenhague (Danemark) estiment que les chômeurs présentent une mortalité de 50 % supérieure à celle des actifs après une crise cardiaque. Et ils sont également 12 % plus nombreux à subir au moins une seconde hospitalisation pour un incident cardiovasculaire.
S’il ne se risque pas à les expliquer, les chiffres amènent le Dr Rasmus Roerth, qui a dirigé l’étude, à comparer le risque lié au statut de chômeur à des facteurs de comorbidité comme l’hypertension ou le diabète, et estime qu’il pourrait être pris en compte dans le pronostic des médecins.
Le facteur psychologique, le bien-être mental, joueraient cependant un rôle important. Des facteurs qui, d’après le Pr Nicolas Danchin, cardiologue à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris), seraient à prendre en compte.
Le chômage est-il, selon vous, un facteur de risque ?
Pr Nicolas Danchin : L’utilisation d’études de ce type est difficile, car elle inclut forcément beaucoup de biais. Le profil médical et psychologique d’un chômeur est différent de celui d’une personne active, et il est nécessaire de compenser tous ces biais d'analyse qui pourraient exister. C’est l’une des limites importantes de ce type d’étude. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas se préoccuper de ce type de questions.
Comment expliquer ces résultats ?
Pr Nicolas Danchin : Il y a certainement plusieurs raisons qui peuvent expliquer cette possible surmortalité. Parmi elles, il y a la santé mentale, le bien-être, le vécu du patient qui peut certainement compter, et avoir un rôle sur le système cardiovasculaire. Il y a aussi quelque chose de très bête, auquel nous ne pensons pas forcément : une personne dans de graves difficultés économiques, sociales et environnementales aura tendance à prendre son traitement de manière moins régulière. Et dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, nous utilisons des médicaments extrêmement actifs et utiles. Donc si on arrête de les prendre, le risque augmente rapidement.Une mauvaise observance est l’une des explications, mais il en existe probablement bien d’autres.
Les médecins doivent-ils prendre le chômage comme facteur de risque de l’évolution d’une maladie ?
Pr Nicolas Danchin : Je n’en suis pas certain. D’abord parce qu’il n’y a pas forcément besoin de faire une équation de risque pour tous les patients. Il est intéressant de le calculer si l’on peut agir. Les médecins n’auront pas de moyens pour agir sur le chômage de leurs patients. En revanche, c’est important de prendre en compte la situation des patients dans une approche globale, pour mieux les accompagner et essayer de les soutenir, pour voir si le retentissement psychologique du chômage est important, ce qui est souvent le cas, et pour les aider à comprendre qu’il est important de prendre leur traitement régulièrement.