Après le décès en octobre dernier du cinquième patient ayant reçu le cœur artificiel Carmat, seulement un mois et demi après son implantation, le groupe français de biotechnologie avait suspendu son essai clinique, sur demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Cette dernière a, ce mardi, autorisé Carmat à le reprendre. « Après une évaluation approfondie, l’ANSM considère que la société Carmat a apporté des éléments permettant de reprendre l’essai dans des conditions de sécurité et de maîtrise des risques satisfaisantes », pouvait-on lire sur le site internet de l’agence sanitaire, qui s’autorise cependant une analyse intermédiaire « portant sur les cinq prochains patients ».
Stéphane Piat, directeur général de Carmat depuis septembre 2016, revient pour Pourquoidocteur sur les adaptations des protocoles, et sur les étapes qui mèneront, espère-t-il, à une commercialisation du cœur artificiel courant 2019.
Qu’est-ce qui a fait changer d'avis l’ANSM ?
Stéphane Piat : La stratégie n’a pas changé, mais les protocoles plus aboutis que nous avons présentés à l’ANSM l’ont convaincue. Évènement ou pas, nous sommes toujours dans un processus d’amélioration continue. Les actions qui ont suivi la suspension volontaire de l’étude ont été accompagnées par un renforcement du protocole post-opératoire, et nous nous sommes engagés à travailler sur des améliorations du système de batterie, dans la mesure où elles n’augmenteront pas les risques du dispositif.
Qui sont les candidats qui seront inclus dans l’étude ?
Stéphane Piat : Nous ne sommes pas encore dans la logique d’être une alternative à la greffe de coeur. Les candidats sont des patients soit qui n’ont plus le temps d’attendre un greffon, soit qui n’ont pas la possibilité de le recevoir.
Nous nous sommes mis d’accord avec Dekra (l’organisme de certification associé au projet, ndlr) pour avoir une approche par paliers. Le nombre de patients dépendra donc de la qualité et de la cohérence des résultats. Si la tendance est positive, nous aurons sans doute besoin d’un nombre de patients plus limité, mais nous prévoyons entre une dizaine et une vingtaine de patients.
D’autres pays sont-ils concernés ?
Stéphane Piat : L’ouverture vers d’autres pays s’inscrit dans la logique de tout développement de thérapie, de dispositif médical ou de recherche pharmaceutique. Carmat, qui était une initiative franco-française, s’était limité dans un premier temps à la France. Mais la volonté de faire participer d’autres pays était présente dès le début du développement. Nous n’avons pas anticipé cette ouverture, et nous ne l’avons pas non plus retardée. Nous pensons que c’est le bon moment pour commencer à élargir l’étude à des pays étrangers.
Sous quels délais avez-vous prévu de reprendre les implantations ?
Stéphane Piat : Notre stratégie repose sur la recherche de patients qui répondent le mieux à notre thérapie. Nous portons notre attention sur leur sélection, ce qui veut dire que nous n’allons pas forcément traiter les patients au compte-goutte, comme nous l’avons fait par le passé, mais plutôt travailler pour trouver ceux qui répondront le mieux à notre thérapie. Il se pourrait que nous ne commencions pas immédiatement, dans les jours qui arrivent, mais que nous traitions plusieurs patients, sur une période de temps plus réduite.
La suspension des essais aura-t-elle des conséquences sur la commercialisation ?
Stéphane Piat : Comme nous l’avons dit à l’assemblée générale la semaine dernière, nous maintenons l’agenda. Dans le document de référence que nous avons communiqué à Dekra, nous nous sommes engagés à terminer le module clinique à la fin de l’année 2018. Le suivi doit durer environ six mois, ce qui nous impose une fin de l’essai en juin 2018. Ensuite, à partir du moment où le dossier sera soumis à Dekra, son traitement ne devrait pas prendre plus de quelques mois, même s’il est complexe et particulier.
Nous pensons pouvoir respecter les délais qui correspondent au traitement de cette quinzaine de patients d’ici juin de l’année prochaine. Cela représente plus d’un patient par mois, ce qui, face aux besoins et à la volonté de participer des centres médicaux, paraît être quelque chose de réalisable.