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Risque cardiovasculaire, carences...

Régime sans gluten : seule une intolérance le justifie

Par Audrey Vaugrente

Seules les personnes atteintes de maladie cœliaque tirent des bénéfices d'un régime sans gluten. Pour les autres, exclure le gluten peut s'avérer dangereux.

lucidwaters/epictura

L’actrice Gwyneth Paltrow en est l’apôtre hyperactive. A ses côtés, Miley Cyrus ou encore Victoria Beckham soutiennent activement le régime sans gluten. Ces célébrités ne souffrent pourtant pas de maladie cœliaque, aussi connue sous le nom d’intolérance au gluten. Mal inspirés seraient ceux qui envisagent d’emboîter le pas à ces stars.

En effet, des chercheurs américains ont observé que l’exclusion du blé est associée à un risque accru de maladie cardiovasculaire. A l’inverse, en consommer améliore le bilan, constatent-ils dans le British Medical Journal.

Les auteurs de cette étude ont passé au crible les dossiers de dizaines de milliers de professionnels de santé suivis pendant un quart de siècle. Entre 1986 et 2010, ces volontaires ont scrupuleusement rempli des questionnaires alimentaires. Parmi ceux qui absorbaient le moins de gluten, davantage de maladies coronariennes se sont déclarées. Ceux qui en consommaient le plus, eux, voyaient leur risque réduit de 15 %.

Une intolérance rare

Le phénomène peut s’expliquer par les déséquilibres alimentaires que provoque l’exclusion du gluten. En arrêtant de manger du blé, les adeptes « limitent leur consommation de céréales complètes, ce qui pourrait être associé à de moins bons résultats sur le plan cardiovasculaire », expliquent les chercheurs. De fait, les bénéfices des grains complets ne sont plus à démontrer sur ce plan.

Dans ces conditions, mieux vaut ne pas encourager l’éviction totale en l’absence d’une maladie cœliaque. Elle reste, rappelons-le, très rare, puisqu’elle ne touche que 0,5 à 1,5 % de la population. Chez ces patients, exclure le gluten est salvateur et réduit considérablement l’inflammation. Mais les bienfaits se limitent à ce groupe restreint.

Voilà qui semble clair. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Le régime sans gluten convainc de plus en plus de monde. Aux Etats-Unis, le nombre d’adeptes a plus que triplé entre 2009 et 2013. Selon les enquêtes nationales, 30 % des Américains essaient d’éviter ce composant.

Une "néophobie" alimentaire

Le problème du "sans gluten" réside en fait dans une autre pathologie : l’hypersensibilité au gluten. Le terme lui-même reste très controversé au sein de la communauté médicale. « On ne dispose pas de critères diagnostiques précis », a souligné le Dr Jean-Luc Fauquert, pédiatre-allergologue à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) lors du Congrès Francophone d’Allergologie. Les marqueurs biologiques sont inexistants.

Le flou est tel qu'on estime que 0,5 à 13 % de la population serait concernée. Certains évoquent même une « néophobie alimentaire ». Le diagnostic d’hypersensibilité se fait donc par défaut, après exclusion du gluten. Souvent en l’absence d’un professionnel de santé.

Or, sans accompagnement médical, les modifications du régime peuvent aboutir à des déséquilibres majeurs. « Les régimes sont souvent excessifs et peu diversifiés, estime le Dr Jean-Luc Fauquert. Ils risquent de s’exposer à des additifs non contrôlés. » Pour le Dr Arnaud Cocaul, nutritionniste à Paris, cela va encore plus loin. « A exclure le gluten, on crée d’autres maladies. La flore digestive risque de ne plus reconnaître certains aliments », explique-t-il.

 



Des carences alimentaires

Sur le plan des apports nutritionnels, c'est pire. Les céréales en question sont sources de protéines, de vitamines du groupe B, mais aussi de zinc ou de fer… Les produits sans gluten, eux, ont tendance à être trop gras et trop sucrés, comme l’a rappelé le Dr Corinne Bouteloup – gastro-entérologue et nutritionniste – lors des Rencontres de Santé Publique France en juin 2016. Sans apporter les nutriments nécessaires. D'autant que, si les régimes d'exclusion s'accumulent, les mauvais comportements aussi.

Cet appauvrissement, l’UFC Que Choisir l’a également souligné : non seulement les aliments sans gluten sont moins riches en nutriments, mais ils proposent beaucoup plus d’additifs et d’agents de texture. Sans compter que les substituts ne sont pas forcément meilleurs pour la santé. Le riz, souvent utilisé en remplacement, contient plus d’arsenic et de mercure que le blé. Mieux vaut, dans ces conditions, appliquer les recommandations officielles. Manger varié, et donc alterner entre blé et autres féculents, revêt plus d'intérêt.