« Trois verres d’alcool pour les hommes par jour, deux pour les femmes »… Oubliez cela. Ce repère, établi de manière plus ou moins scientifique afin de se prémunir du risque de cancer, n’a plus lieu d’être en France. Les autorités sanitaires ont établi de nouvelles recommandations pour la consommation d’alcool, plus transparentes concernant les risques pour la santé humaine. Un rapport de Santé Publique France publié ce jeudi les détaille.
La prévention version lobbying
Ces recommandations ont été formulées par un comité d’experts, réuni pour trouver le juste ton et la bonne mesure, et concurrencer l’omniprésence médiatique du lobby de l’alcool sur le terrain de la consommation responsable. En effet, notent les rapporteurs, « le discours public est faiblement audible et est noyé par une communication promotionnelle qui trouve progressivement des voies nouvelles d’expression, via Internet ou encore l’oeno-journalisme. À cela s’ajoutent les initiatives de campagnes de prévention faites par des associations représentant les intérêts économiques ».
Une allusion, peut-être, à la publicité déguisée que constitue l’émission « Une minute, un vignoble », diffusée en prime time sur une grande chaîne et sponsorisée par Vin et Société, qui représente les intérêts économiques de la filière vitivinicole en France.
Une allusion certaine, en tout cas, à la campagne promotionnelle « 2340 » mise en place par ce lobby, qui déploie une stratégie de communication autour du bien-boire et propose des repères « responsables » de consommation… qui incitent, de fait, à la consommation.
Pas de consommation sans risque
Car c’est une évidence : les scientifiques, et eux seuls, sont à même d’expliquer à l’échelle nationale ce qu’est une consommation responsable. Et pour ce faire, exit les seuils de sûreté, qui laissent penser que boire deux verres d’alcool tous les jours ou presque n’implique aucun risque. La consommation sans risque est un leurre, expliquent ces experts, qui préfèrent désormais parler de « repères de consommation à faible risque ».
« Les études ont montré une augmentation de la morbidité et de mortalité, à court et long terme, pour des consommations faibles d'alcool par jour. Ainsi, ce n'est pas "l'abus d'alcool" qui est à risque mais une consommation, même faible. L'avertissement actuel sanitaire réglementaire (l'abus d'alcool est dangereux pour la santé) est donc obsolète », écrivent les rapporteurs, qui préconisent un nouvel avertissement sanitaire : « Toute consommation d’alcool comporte des risques pour votre santé. »
Des jours sans alcool
Une fois que ce message sera audible, alors, les consommateurs pourront peut-être s’approprier les conseils de Santé Publique France. L’agence recommande de ne pas boire plus que deux verres d’alcool par jour, homme comme femme, et plus de dix par semaine - ce qui inclut plusieurs jours de sobriété totale. A nouveau, une telle consommation ne fait que diminuer les risques sanitaires sans les annihiler.
Pour les grandes occasions, où l’alcool a tendance à couler à flots plus denses, l’agence conseille « de réduire la quantité totale d’alcool que vous buvez », « de boire lentement, en mangeant et en alternant avec de l’eau ». Pour les femmes enceintes et les adolescents, « l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool ».
Conseiller plutôt qu'ordonner
Enfin, les experts recommandent d’augmenter, sur les bouteilles, la taille du pictogramme pour les femmes enceintes, d’y inscrire le nombre de calories et le nombre de verres standard à 10 grammes, ainsi que le nouvel avertissement sanitaire.
Pour autant, l’agence préconise d’adopter le « registre du conseil, de la pédagogie, de l’explication, de l’aide » dans les recommandations, plutôt que de l’injonction. Le message, en d’autres termes, serait : faites ce que vous voulez, mais sachez ce que vous faites…