« Quand je me suis réveillée, tout était noir ». Après un coma qui aura duré 52 jours, Milina Cunning a ouvert les yeux sans pouvoir s’en servir. Une attaque cérébrale avait atteint le cortex visuel de cette Ecossaise. Mais quelques mois plus tard, elle avait la sensation d’être capable de voir des couleurs, explique-t-elle dans un reportage de la BBC 4, The digital human, relayé par le magazine Paris Match.
Un neurologue, intrigué par ses affirmations, a décidé de lui faire passer quelques tests. En la faisant déambuler dans un couloir où des chaises avaient été placées pour entraver son déplacement, il a observé qu’elle parvenait à toutes les éviter. Une prouesse qui laisserait perplexes bon nombre de scientifiques.
Les scientifiques dans le brouillard
Il s’agit en réalité d’un phénomène déjà connu, mais mal décrit : le blindsight, ou vision aveugle en français. Même lorsque la partie du cerveau chargée du traitement des informations visuelles a été endommagée, notamment en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) comme c’est le cas chez cette Écossaise, une partie des signaux lumineux continue d’affluer.
Plusieurs hypothèses sont avancées par les neuroscientifiques. Une partie d’entre eux pourrait se diriger vers le thalamus, qui régule des processus réflexes, mais qui aurait aussi la capacité de projeter inconsciemment la détection de formes et de mouvements. Quelques zones du cortex visuel pourraient aussi être préservées, et transmettre un concept de détection plutôt qu'une image de l'environnement.
Vision de secours
Dans tous les cas, le blindsight se manifeste par une sorte de sens de remplacement reposant sur le même outil, l’œil. Il passe inaperçu chez les voyants, qui n’en ont que peu besoin dans leur vie quotidienne, mais peut s'exprimer chez des personnes ayant perdu la vue, pour compenser leur handicap.
« S’il y a un obstacle sur la route ou des escaliers, elle est capable d'y répondre de manière adaptée sans même se rendre compte comment », rapporte Jody Culham, scientifique canadienne qui a réalisé un scanner du cerveau de Milina Cunning. « Je ne peux pas voir les choses, mais je sais qu'elles sont là », résume l'Écossaise.