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 Chirurgie de l’obésité : 20 % des opérés ont des problèmes d’alcoolisme

Par Jonathan Herchkovitch

ENTRETIEN - Pour des raisons physiologiques mais aussi psychologiques, des patients qui ont subi une chirurgie bariatrique s'adonnent ensuite à l'alcool. 

Cancerus/Epictura

Compenser une addiction par une autre. C’est bien ce qui semble expliquer les résultats d’une étude réalisée à l’université de Pittsburgh (États-Unis), et publiée ce mardi dans Surgery for Obesity and Related Diseases. En suivant sur sept ans des patients ayant subi une chirurgie de l’obésité, destinée à la perte de poids, les chercheurs ont remarqué que beaucoup d’entre eux développaient des troubles de la consommation d’alcool.

Parmi deux des techniques chirurgicales les plus utilisées, c’est le bypass gastrique qui entraîne le plus de risques. Pendant la durée du suivi, 21 % d’entre eux ont eu un problème avec l’alcool. Pour l’anneau gastrique ajustable, les proportions sont moins importantes, mais restent inquiétantes : 11 % se sont reportés sur la boisson.

« Nous avions déjà observé une hausse du nombre de personnes éprouvant des problèmes avec l’alcool pendant les deux années suivant l’opération, mais nous n’avions pas anticipé qu’une telle hausse se prolonge pendant les sept ans de suivi post-opératoire », confie Wendy King, épidémiologiste à l’université de Pittsburgh, et auteur principale de l’étude.

Physiologie et psychologie

L’étude n’a pas statué sur les raisons de ces résulats, mais les chercheurs se risquent à quelques hypothèses. Des expériences réalisées sur les animaux suggèrent que les bypass gastriques favorisent la sensibilité du système de récompense à l’alcool, par l’action sur le cerveau de modifications hormonales et de l’expression de certains gènes.

Ils ajoutent également que des évènements psychologiques favorisent l’addiction. Une hypothèse psychologique que le Pr David Nocca, responsable de l’équipe de chirurgie bariatrique au CHU de Montpellier (Hérault), semble appuyer. « De nombreux patients souffrent de dépressions post-opératoires dans la première année. Elles sont notamment liées à une dysmorphophobie (une difficulté à s’adapter à son nouveau corps, ndlr), mais aussi à certains désagréments de la vie quotidienne liés à l'intervention, comme des diarrhées, des nausées ou des gaz. »

Prévention et suivi

« Les patients arrivent avec une addiction alimentaire, qu’ils vont souvent reporter, ajoute-t-il. Et la solution numéro un reste l’alcool. C’est la raison pour laquelle il est important de réaliser une évaluation par un psychologue, un psychiatre et un addictologue avant d’envisager l’intervention. Une addiction non sevrée, notamment à l’alcool, sera une contre-indication formelle. »

L’alcool présente, en plus, plusieurs problèmes spécifiques pour ces patients. Outre les dégâts habituels qu’il peut faire peser sur la santé, l’addiction et les liens avec la dépression, la substance est particulièrement calorique. Sa forme liquide permet donc un apport conséquent, malgré la réduction du volume gastrique. Ensuite, il potentialise les dégâts sur le foie provoqués par l’obésité, ajoute le Pr Nocca. « La stéatose hépatique observée chez de nombreuses personnes obèses, à laquelle s’ajoute un problème d’alcool, augmente considérablement les risques de cancer du foie ».

Le rôle de la prévention et du suivi post-opératoire est donc primordial. Malheureusement, peu de patients acceptent l’accompagnement psychologique, déplore le chirurgien. « La réussite de ce genre d’opérations repose sur un changement de mode de vie, poursuit-il. Nous tentons de faire comprendre que la chirurgie n’est que l’un des facteurs. Il faut accepter l’importance du suivi, qui continuera d’ailleurs tout au long de la vie. »