Pour les femmes ayant subi des traitements qui affectent le cycle menstruel ou la fertilité, notamment celles victimes d’un cancer pendant leur enfance, la grossesse peut représenter un véritable challenge. Ce défi, des chercheurs en reproduction et des ingénieurs de l’université Northwestern (États-Unis) ont tenté de le relever.
Avec succès, si l’on en croit les résultats qu’ils ont publié ce mardi dans la revue Nature Communications. Ils sont parvenus, chez des souris dont les ovaires avaient été supprimés, à rétablir des cycles menstruels, et même à les faire se reproduire… grâce à l’impression 3D !
« Le Saint Graal de la médecine régénérative »
Les scientifiques ont réalisé cette prouesse en travaillant sur une matrice imprimée. Un maillage particulier de filaments, réalisé avec une gélatine dérivée du collagène, permet à la fois aux follicules contenant les futurs ovules de s’y nicher, et aux artères de se reformer. Une fois l’ovule « artificiel » réimplanté, le cycle normal de la souris reprend, et elle peut se reproduire normalement. Les petits nés grâce à cette technologie expérimentale n'ont montré aucun différence avec des souriceaux nés naturellement.
« Nos recherches montrent que les ovaires bioprothétiques ont une viabilité à long terme, explique Teresa Woodruff, spécialiste de la reproduction à l’université Northwestern. Utiliser la bio-ingénierie pour restaurer des structures organiques fonctionnelles, plutôt que le don d’organes, c’est un peu le Saint Graal de la médecine régénérative. »
Reprise d’un cycle normal
Dans un cycle normal, la maturation des follicules, contenus dans les ovaires, est régie par des hormones issues de l’hypophyse (LH et FSH). Elle se termine par la libération (en principe) d’un ovule par cycle, qui circule dans les trompes de Fallope, afin d’être fécondé et de se nicher dans l’utérus.
Ici, les chercheurs ont implanté plusieurs ovules, à différents stades de maturation, sur leur armature en gélatine. En à peine une semaine, les ovules artificiels étaient revascularisés, sans apport de facteurs de croissance extérieurs, dans une répartition similaire à celle d’un ovaire naturel. La vascularisation est essentielle pour assurer la circulation des hormones produites par les follicules.
Chez les souris implantées, le cycle des follicules (maturation, ovulation, corps jaune) a repris normalement, tout comme les interactions hormonales entre les ovaires et le cerveau. Les rongeurs ont ainsi pu être fécondés, ont mené leurs gestations à terme, et le processus de lactation, régi par les hormones, s’est déclenché naturellement après la naissance.
Déclencher la puberté
« Chez certaines de nos patientes ayant eu un cancer, les ovaires ne fonctionnent pas suffisamment, et ont besoin de thérapies hormonales pour déclencher leur puberté, explique Monica Laronda, endocrinologue à l’université Northwestern, et co-auteur de l’étude. L’ovaire imprimé en 3D permet de rétablir un fonctionnement normal. Nous voyons plus loin : de la puberté, à l’âge adulte, jusqu’à la ménopause. »
L’impression 3D représente un autre avantage : la taille de l’ovaire artificiel peut être adaptée à celle de la patiente. Les chercheurs planchent désormais sur une adaptation du maillage pour l’humain, et sur le nombre de follicules qui pourraient être placés sur les matrices imprimées, afin de prolonger leur utilisation. Pour l’instant, une cinquantaine d’entre eux ont pu être implantés. Au début de sa maturité sexuelle, une femme en possède environ 400.