Quand la consultation devient génératrice d’angoisse… Un Français sur six souffre d’obésité. Pour cette part non négligeable de la population, le parcours de soins s’apparente souvent à un parcours d’obstacles. Remarques culpabilisantes, retour incessant vers la surcharge pondérale, regard moralisateur… Les personnes en surpoids ont créé un terme pour décrire le phénomène : la grossophobie. Les comportements sont divers et variés mais un point les rassemble : les patients en surpoids ont le sentiment de manquer de bienveillance.
Associations de patients, forums et réseaux sociaux ont libéré la parole et fait prendre conscience de l'ampleur du phénomène. Les actions de sensibilisation envers les soignants se multiplient afin de proposer un abord plus serein aux personnes en surpoids. Avec quel impact sur la pratique ? A l’occasion de la Journée européenne de l’obésité, ce 19 mai, Pourquoidocteur fait le point avec le Dr Eve Villemur. Médecin généraliste à Saint-Sulpice (Tarn), elle s’est spécialisée dans la nutrition comportementale.
La grossophobie est-elle un problème répandu ?
Dr Eve Villemur : C’est répandu au sein de la population générale. Cela doit donc exister dans le corps médical, ce qui est dommage. Les médecins mal formés continuent de penser « il faut, il n’y a qu’à »… sans prendre conscience de la souffrance du patient en surpoids qui a toujours fait ce qu’il pouvait. La charge du médecin généraliste est de lui donner les moyens pour qu’il fasse mieux.
La formation des médecins s’est-elle améliorée ?
Dr Eve Villemur : Elle s’est améliorée au sein des études médicales. Néanmoins, les médecins généralistes actuellement installés sont très mal formés. Ils continuent d’avoir des messages contradictoires, de penser que c’est chronophage de parler de surpoids avec les patients. L’obésité reste un problème dans les cabinets médicaux : elle n’est pas prise en charge.
Faut-il systématique parler de son obésité à quelqu’un qui en souffre ?
Dr Eve Villemur : Le stade où se situe le patient doit être respecté. Il peut très bien être obèse et en déni. Il faut alors marcher sur des œufs, pour ne pas créer de résistance. Mais je pense que toute occasion de faire le lien avec la pathologie doit être saisie. On peut amener le patient à une réflexion quand il a des douleurs au genou, des mycoses à répétition ou des problèmes de tension. Mais je ne parle pas d’obésité, qui est un gros mot, mais de surpoids et de souffrance. J’ai plus tendance à me focaliser sur la gêne provoquée par le surpoids qu’à donner une étiquette.
Y a-t-il des approches à éviter particulièrement ?
Dr Eve Villemur : Les bonnes pratiques consistent à proposer une prise en charge qui repose sur un trépied. Ces trois pieds sont l’assiette – à équilibrer –, la tête – à apaiser tout en stimulant la motivation – et le corps. Il faudra le remettre en mouvement mais aussi se réconcilier avec son image. Les mauvaises pratiques consisteraient donc à ne se cantonner qu’à un pôle. Deuxièmement, il serait catastrophique d’imposer les choses à un patient. Cela vaut particulièrement dans l’apprentissage d’une meilleure relation à la nourriture. Le patient doit choisir ce qu’il lui convient, avec un guide. Il doit devenir acteur de sa santé. Enfin, le culpabiliser lorsqu’il n’a pas réussi n’est pas une bonne idée.