Assez ! Assez de déclarations mensongères qui vont pousser des partients à interrompre leur traitement. Chercheurs, cliniciens, cardiologues, daibétologues, sept grands noms de la médecine (1) ont décidé de réagir au livre du Pr Philippe Even qui remet en cause les dangers du cholestérol et l'intérêt des statines pour le traiter.
Dans une tribune publiée ce jeudi par Le nouvel Observateur, ces professionnels répondent point par point aux arguments développés par le Pr Even. Existence ou non du mauvais cholestérol, danger présumé des statines, études biaisées, les signataires s'appuient sur la littérature sceintifique, sur les recommandations internationales et sur leur pratique quotidienne pour rassurer les malades.
Le Pr André Grimaldi, diabétologue à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, estime qu'un scientifique ne peut pas parler de tout et tout seul.
pourquoi Docteur : Philippe Even affirme que « le cholestérol n’est pas une maladie ». Que répondez-vous ?
Pr André Grimaldi : Ce que dit le Pr Even est complètement faux. Le cholestérol est un facteur de risque. On sait que la maladie de la paroi artérielle est multifactorielle : la génétique, le vieillissement, le diabète, l’hypertension et le tabac font partie de ces facteurs. Mais vous avez aussi le cholestérol quand il est très élevé. Quand cette paroi artérielle est déjà abimée par l’un ou plusieurs de ces facteurs, le LDL cholestérol, celui qu’on appelle le mauvais cholestérol, qui circule naturellement dans la paroi artérielle, va stagner, être oxydé et former des plaques qui vont progressivement boucher les artères. Donc, si vos artères sont déjà fragilisées par d’autres facteurs de la maladie artérielle, il faut absolument faire baisser le taux de cholestérol, même s'il est normal. En revanche, si vous n’avez pas d’autres facteurs de risque, que vous avez uniquement du cholestérol qui dépasse les valeurs moyennes, ce n’est pas la peine de traiter par statine.
Les statines auraient de nombreux effets secondaires...
Pr André Grimaldi : Ils sont faibles. Ce sont essentiellement des effets secondaires musculaires chez 5 à 10% des patients qui ne les supportent pas, mais c’est un médicament remarquablement toléré. Mais là encore regardez comment procède le Pr Even. Sous des airs très scientifiques, très polémiques, il termine son livre en disant que dans le cerveau il y a beaucoup de cholestérol, que les statines passent la barrière méningée, donc qu’il est possible que cela altère les fonctions cognitives. Mais qu’il n’y a pas de preuve et il dit aux gens « A vous de juger ». Puis il continue en disant que les statines atteignent le muscle et que le cœur est un muscle… et là aussi il ajoute qu’il n’y a pas de preuve et demande aux gens de juger.
« Il insinue aussi, toujours sans preuve, des effets secondaires sur la fonction sexuelle. Je m’excuse mais son argument, c’est à vous de juger, l’insinuation, cela relève du camelot. »
Le risque selon vous, est que de nombreux patients arrêtent leur traitement...
Pr André Grimaldi : Les conséquences sont terribles. Le grand problème des statines, c’était déjà l’observance. Dans le diabète, plusieurs études ont montré qu’au bout de 10 ans, la moitié des patients ont arrêté leur traitement. Or on sait que les diabétiques ont un vieillissement accéléré de la paroi artérielle, leurs artères ont 10 ans de plus que leur âge. Il faut absolument les protéger d’un taux de cholestérol élevé. L’observance du traitement par statine, c’est notre problème n°1. Et arrive un professeur qui dit urbi et orbi que les statines, c’est de l’eau ! Il faut l’arrêter ! Il est urgent de répondre ! Le conseil de l’Ordre devrait agir ! En consultation, on rame pour convaincre nos patients de ne pas arrêter leur traitement. Vous imaginez pour le médecin généraliste qui doit contrer tout seul le grand Professeur en une du Nouvel Observateur ?
Qui doit prendre des statines ?
Pr André Grimaldi : Tous les patients à haut risque cardiovasculaire. Déjà, vous avez 3 millions de diabétiques dont les deux tiers devraient avoir une statine, donc ça fait déjà 2 millions de personnes. Puis vous avez 3 millions de coronariens, parmi lesquels 1 million de diabétiques, donc cela fait déjà 4 millions de personnes qui devraient prendre une statine. Rajoutez à ça les personnes qui ont de l’hypertension ou qui ont eu un accident vasculaire cérébral… On prescrit 5 millions de statines en France ? C’est sûrement pas assez ! Le vrai problème, c’est qu’on en prescrit à trop de gens qui n’en ont pas besoin, à ceux qui n'ont aucun facteur de risque et ont un taux de cholestérol à 1,80.
"Par contre il y a plein de gens qui en ont besoin, qui n’en ont pas, ou pire qui l’arrêtent ! Et grâce à Even, ils vont les arrêter encore plus !"
Pourquoi les patients vous feraient-ils plus confiance qu'au Pr Even ?
Pr André Grimaldi : Un scientifique qui peut parler de tout, ça n’existe pas. Quand vous travaillez seul, vous ne pouvez pas tout savoir. Moi, je ne sais pas tout. Je ne parle pas d’autre chose que du diabète. Par ailleurs, nous, pour rédiger cet article de réponse, nous sommes sept et nous avons échangé, nous nous sommes corrigés. Il s’adresse certes au grand public, mais il prétend être scientifique. Il dit avoir fait le plus grand travail d’analyse critique de tous les articles publiés sur les statines. Donc, il se présente comme un expert mondial. Mais, je le répète aucun expert ne travaille seul !
"Il aurait dû publier dans son livre les arguments de scientifiques qui ne sont pas d'accord avec lui. Or, les gens qui ne pensent pas comme lui sont des vendus ou des incompétents."
Pourquoi les livres du Pr Even ont-ils un tel écho ?
Pr André Grimaldi : Cela fait écho pour plusieurs raisons. Premièrement il y a eu l’affaire Médiator et d’autres affaires. Il y a un discrédit des spécialistes. Ensuite, monte dans le pays, dans le cadre de la crise que nous vivons, un fond de l’air qui s’appelle « tous pourris ». Philippe Even surfe dessus. Pour moi, Even c’est un symptôme. Un symptôme d’une crise profonde de la société où la vérité on ne sait plus ce que c’est et lui, c’est le chevalier blanc.
« Normalement le conseil de l’ordre devrait réagir et les malades devraient porter plainte. »
Eric Bruckert, unité d'exploration métabolique pour la prévention des maladies cardiovasculaires Institut Hospitalo-Universitaire Cardiométabolique de la Pitié Salpêtrière
André Grimaldi, service de diabétologie Institut Hospitalo-Universitaire Cardiométabolique de la Pitié Salpêtrière
Joël Menard, Professeur Emérite de l’Université Paris-Descartes
Nicolas Danchin , cardiologue Hôpital Européen Georges Pompidou
Jean Ferrières, service Cardiologie, CHU de Toulouse
Gabriel Steg, département de Cardiologie, Hôpital Bichat, Paris
Alain Tedgui, Centre de recherche cardiovasculaire de Paris INSERM U970
Déclaration des liens d’intérêts : Au cours des 5 dernières années, Eric Bruckert, Nicolas Danchin, Jean Ferrières et Gabriel Steg ont travaillé avec la plupart des industriels du médicament qui fabriquent des statines. André Grimaldi a travaillé avec les industriels intervenant dans le diabète. Alain Tedgui ne déclare aucun lien d'intérêt dans le domaine des statines. Joël Ménard ne déclare aucun lien d’intérêt avec les industriels de la Santé.