Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) touchent plus de 250 000 Français, et 3 millions d'Européens. Des chiffres qui ne cessent d’augmenter depuis plus de 15 ans, s’alarme l’Association François Aupetit (AFA) qui se mobilise à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre ces pathologies.
L’acronyme MICI regroupe la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Toutes les deux se caractérisent par de fortes douleurs abdominales, des diarrhées parfois sanguinolentes en raison d’une inflammation de la paroi digestive. Il n’est pas rare que les patients souffrent aussi de maladies rhumatismales, dermatologiques ou de troubles hépatiques.
Bien qu’elles aient été décrites au 20ème siècle, ces maladies ne sont pas encore totalement comprises des médecins et des chercheurs. Plusieurs facteurs de risques environnementaux mais aussi génétiques sont suspectés, ouvrant la voie à de nombreuses pistes thérapeutiques, explique à Pourquoidocteur le Pr Franck Carbonnel, chef du service de gastro-entérologie à l’hôpital Bicêtre (Val-de-Marne, AP-HP)
Quel est le lien entre environnement et MICI ?
Pr Franck Carbonnel : Le lien est très fort. D’une part, nous avons constaté une répartition géographique qui épouse les contours du monde développé. Ce sont des maladies fréquentes en Europe, en Amérique du Nord et Australasie (Australie et Nouvelle-Zélande, ndlr), ainsi que dans les pays qui accèdent progressivement au développement comme le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud ou l’Asie du Sud Est. L’alimentation de type occidentale, soit pauvre en fruits, légumes et fibres mais riche en protéines et en graisses, est une cause connue.
Source : L’association nationale de malades et de proches mobilisés pour vaincre la maladie de Crohn et la RCH
En revanche, on sait avec certitude que le tabac augmente le risque de maladie de Crohn alors qu’il protège du risque de rectocolite hémorragique ! Les antibiotiques, en particulier chez l’enfant, augmentent aussi le risque de maladie de Crohn.
Tous ces éléments nourrissent la piste du microbiote…
Pr Franck Carbonnel : Dans l’intestin, vous avez des bactéries, des champignons et des virus qui sont profondément modifiés au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. La composition du microbiote des malades est très différente des sujets sains. On observe une perte de la diversité de bactéries intestinales, ainsi que de la qualité de sa composition avec un excès de bactéries proinflammatoires. A ce stade, on estime que ces modifications sont à la fois une cause et une conséquence des MICI.
Existe-t-il des prédispositions génétiques ?
Pr Franck Carbonnel : La prédisposition génétique est importante mais les MICI ne sont pas des maladies génétiques comme peuvent l’être les myopathies ou la mucoviscidose. Là, c’est une mosaïque de gènes – on en est à plus de 200 aujourd’hui – qui est en cause. Pris individuellement, ils n'augmentent que très faiblement le risque d’avoir la maladie de Crohn, ou une rectocolite hémorragique. De plus ils interagissent avec l’environnement et vont modifier la réponse immunitaire ou la composition bactérienne de l’intestin.
Aujourd’hui, ces connaissances ne nous permettent pas encore d’identifier les patients à risques. On ne fait pas en routine de séquençage du génome ou du microbiote ; cela est réservé à la recherche.
Ces connaissances ouvrent-elles de nouvelles perspectives thérapeutiques ?
Pr Franck Carbonnel : Il y a beaucoup de nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché. Ce sont tous des médicaments anti-inflammatoires qui peuvent être pris par voie orale. Au moins un traitement devrait obtenir prochainement une autorisation de mise sur le marché, et deux autres sont en cours d’étude. Des anticorps monoclonaux devraient aussi arriver dans les prochaines années.
Il y aussi une autre voie thérapeutique qui commence à s’ouvrir : la manipulation du microbiote intestinale. Plusieurs études ont montré l’efficacité de la transplantation fécale dans la rectocolite hémorragique. On peut également le manipuler grâce aux antibiotiques, aux phages (des virus tueurs de bactéries, ndlr), des pré- ou probiotiques. Cette voie thérapeutique très différente de celle utilisée jusqu’à aujourd’hui n’en est qu’à ses débuts.
Les traitements actuels
Il n’existe pas de traitement curatif, mais les médicaments disponibles permettent un contrôle durable de la maladie. « La gamme des molécules anti-inflammatoires est aujourd’hui assez étendue. Elle va des salicylés, des petits médicaments efficaces dans les formes minimes à modérées de rectocolite hémorragique, aux anticorps monoclonaux, en passant par les corticoïdes et les immunosuppresseurs. Ces molécules permettent de répondre à la plupart des situations », explique le Pr Franck Carbonnel.
Utilisés comme traitement de fond, ces traitements permettent de ralentir la progression de la maladie, et de prévenir les poussées inflammatoires. Mais si ces thérapies améliorent la qualité de vie des malades, elles doivent faire l’objet d’un suivi clinique attentif. « Les patients doivent connaître les effets indésirables et savoir identifier les signes d’alarme pouvant justifier un arrêt du traitement. C’est pourquoi des ateliers d’éducation thérapeutique se montent partout en France », précise le médecin.
Pour optimiser l’efficacité de ces traitements de fond, il est aussi crucial que les patients atteints de la maladie de Crohn arrêtent de fumer.
Pour certains malades résistants aux traitements, ou victimes de complications de la maladie (occlusion intestinale, fissure anale…), le traitement chirurgical peut s’avérer nécessaire. Des études montrent qu’après 10 ans d’évolution de la maladie, au moins la moitié des malades ont dû subir une intervention afin de retirer le segment du tube digestif le plus atteint.
Source : L’association nationale de malades et de proches mobilisés pour vaincre la maladie de Crohn et la RCH