Le 29 septembre dernier, l’ex-ministre de la Santé, Marisol Touraine, annonçait le lancement d’un plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Il prévoit une concertation multidisciplinaire pour faire avancer la recherche sur cette maladie encore mal connue, et pour revoir les protocoles de diagnostic et de traitement.
Mise en lumière par cette volonté affichée d’action, la France reçoit les 19 et 20 mai le congrès de la Société internationale de la maladie de Lyme et des maladies associées (ILADS). Il est organisé par le Pr Christian Perronne, chef du service d’infectiologie de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, et l’un des fers de lance de la lutte contre la maladie.
Soutenu par les associations de patients, il se bat notamment pour la reconnaissance d’une forme chronique de la maladie, de mieux en mieux acceptée mais encore controversée, et notamment réfutée par le Centre national de référence sur la maladie de Lyme, situé à Strasbourg. Pour Pourquoidocteur, le Pr Perronne revient sur les enjeux de la concertation internationale et sur l’avenir du plan Lyme.
Où en est-on de l’avancée du plan Lyme ?
Pr Christian Perronne : Actuellement, le groupe de travail avance sur les recommandations diagnostiques et sur les traitements. Une deuxième réunion a déjà eu lieu. L’élaboration du texte final va sans doute prendre un peu de temps, parce qu’il y a beaucoup de travail à faire. Le rapport, initialement prévu pour juillet, ne devrait pas voir le jour avant octobre. Mais pour l’instant, les discussions sont cordiales, et j’espère qu’elles vont avancer dans le bon sens.
J’espère aussi qu’on pourra arriver à une sorte de consensus, même si ce ne sera pas un véritable consensus, car on manque encore de données scientifiques solides dans certains domaines, au niveau du diagnostic et du traitement. Nous ne sommes pas tous forcément d’accord, mais les avis vont sans doute converger vers une approche commune. Nous n’en sommes pas encore à discuter des points les plus délicats, mais dans le pire des cas, les recommandations proposeront deux options.
La France, par ce plan, montre-t-elle l’exemple ?
Pr Christian Perronne : Ce qui est en train de se passer en France aux niveaux politique et médiatique est très regardé dans le monde, en Europe et en Amérique du Nord notamment, parce que c’est exemplaire. Les États-Unis ont passé une loi sur la maladie de Lyme, qui reconnaît notamment la forme chronique, ce qui est une grande avancée. Mais ils n’ont pas encore constitué de groupe de travail multidisciplinaire pour revoir les recommandations, comme nous l’avons fait en France.
Les différents pays avancent-ils dans la même direction ?
Pr Christian Perronne : Pour l’instant, les interrogations sont nombreuses au niveau des autorités politiques de nombreux pays. Des parlementaires britanniques ont décidé de créer un groupe de travail Lyme au parlement. Un député canadien m’a aussi expliqué que des discussions étaient entamées au niveau politique. En Suède, des malades et des médecins font du lobbying pour la reconnaissance du Lyme chronique. Je fais aussi partie d’un groupe de réflexion international qui doit rencontrer au mois de juin à Genève des responsables de l’OMS, pour que la maladie de Lyme chronique ne soit plus imaginaire, mais une pathologie reconnue avec un code maladie, comme toutes les autres.
Le congrès de l’ILADS est important dans ce sens, car il regroupe des experts provenant du monde entier. Il va permettre d’échanger les données scientifiques récentes et les expériences sur la prise en charge des malades, et sur la recherche. Ces échanges entre les différents pays aident à faire progresser les connaissances sur la forme chronique de la maladie et la prise en charge des patients, qui est très déficiente dans la majorité des pays.
Agnès Buzyn prend Lyme très au sérieux
Avec la nouvelle composition ministérielle, et le remplacement de Marisol Touraine, qui avait piloté le plan Lyme, les cartes pourraient être rebattues. Mais le changement de gouvernement n'inquiète pas le Pr Christian Perronne. « Je ne pense pas que l’attitude vis-à-vis de la maladie de Lyme change, estime-t-il. Il y a maintenant une conviction générale au niveau des autorités de santé, à la Haute autorité de Santé (HAS), à la Direction générale de la Santé. »
Une conviction renforcée par la nomination de l'ancienne présidente du Collège de la HAS, Agnès Buzyn, comme nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé. « Pour avoir déjà discuté avec elle de la maladie de Lyme, je sais qu’elle prend cela très au sérieux, ajoute l'infectiologue. Elle a mis en place des travaux au sein de la HAS, donc je suis serein sur la façon dont le nouveau gouvernement va aborder la maladie de Lyme. Pour l’instant, ce sont plus certains experts sur le terrain qui bloquent, et refusent de faire bouger leur position. »