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Diabète, hypertension...

Ramadan : limiter les risques pour les patients chroniques

Par Jonathan Herchkovitch

ENTRETIEN - Face à la volonté de respecter le jeûne du Ramadan de certains patients chroniques, il est souvent possible de s'adapter.

studioM/Epictura

Les premiers jours de Ramadan n’ont pas été faciles pour les musulmans pratiquants de France. La vague de chaleur qui s’est abattue juste au moment du début du mois de jeûne l’ rendu plus difficile, surtout pour les abstinents souffrant de pathologies chroniques.

Car si le Coran permet aux femmes enceintes, aux voyageurs et aux malades de s’en affranchir, quitte à « rattraper » plus tard dans l’année les jours non jeûnés, de nombreux patients chroniques, souffrant de diabète ou d’hypertension artérielle, insistent pour respecter le quatrième pilier de l’islam.

Une situation dont les praticiens doivent s’accomoder, en tentant d’adapter la pratique et les thérapies, et en déconseillant parfois formellement le jeûne. Le Pr Serge Halimi, chef du service d’endocrinologie du CHU de Grenoble, rappelle pour Pourquoidocteur les risques que prennent les plus zélés.

Beaucoup de patients chroniques souhaitent-ils tout de même jeûner ?
Pr Serge Halimi : En France, il y a plus de patients qui souhaitent jeûner qu’en Algérie, par exemple. C’est devenu quelque chose de presque inévitable. Avant, nous nous demandions comment les convaincre d’éviter le jeûne ; aujourd’hui, c’est plutôt comment faire pour que le mois se passe au mieux.

Ceux qu’il faut convaincre de ne pas jeûner du tout, ce sont les diabétiques de type 1. Malheureusement, nous voyons encore des femmes diabétiques enceintes, qui jeûnent quand même. Et ça, c’est vraiment très déconseillé. Il faut arriver à convaincre les patients très à risque, soit âgés ou fragiles, soit jeunes diabétiques avec des schémas thérapeutiques qui ne sont pas adaptés, ou pas bien maîtrisés.
Mais maintenant, pour d’autres patients, avec les capteurs de glycémie, avec les pompes à insuline, nous sommes en mesure de concilier les deux.

Ecoutez...
Pr Serge Halimi, endocrinologue au CHU de Grenoble : « Le risque est double pour les diabétiques, avec l'alternance entre hypoglycémies la journée et poussées d'hyperglycémie dans la nuit...»

 

Quels sont les risques encourus ?
Pr Serge Halimi : Le risque général chez les patients fragiles, c’est la déshydratation. Les températures que nous avons connues depuis le début du Ramadan en France posent des problèmes de fragilité chez ces patients, qu’ils soient insuffisants rénaux diabétiques, ou même non diabétiques, âgés, insuffisants respiratoires… Toutes ces personnes tolèrent mal la déshydratation.

Ensuite, chez les diabétiques en particulier, le risque reste l’hypoglycémie, lorsque les patients reçoivent des classes thérapeutiques orales, principalement les sulfamides en général - mais certains plus que d’autres -, et les glinides. Les patients sous insuline sont aussi exposés.
La rupture du jeûne, le fait de concentrer des aliments sucrés, favorise aussi les poussées d’hyperglycémies assez élevées. Le risque est donc double, d’alternance entre hypoglycémies dans la journée et poussées d’hyperglycémies dans la nuit.


Et chez les patients chroniques non diabétiques ?
Pr Serge Halimi :
Avec le risque de déshydratation augmente celui d’hémoconcentration, qui s’associe à des risques. Le jeûne augmente aussi la complexité de la prise de traitements, notamment chez les personnes qui ont des polypathologies, et des traitements assez lourds, à prendre plusieurs fois dans la journée, pour des effets à long, mais aussi à court terme. Le risque est notamment important pour les hypertendus.

Comment gérez-vous les traitements, en tant que praticien ?
Pr Serge Halimi :
Quand on sait que l’on n’aura pas le choix, il faut avoir une approche éducative. Le nouvelles thérapeutiques du diabète de type 2, qui ne donnent pas d’hypoglycémies - les incrétines, les DPP-4 - et les injectables, quand ils ne sont pas associés à des sulfamides, ont changé la donne. Mais pour les personnes sous insuline, il faut préparer les choses, et beaucoup anticiper.

N’est-ce pas difficile de faire comprendre le droit à ne pas jeûner en tant que médecin non-musulman ?
Pr Serge Halimi :
Il y a une décennie environ, c’était un peu plus facile. Aujourd’hui, avec le renforcement de l’attachement à la pratique religieuse, cela devient de plus en plus difficile. Un non-musulman a peut-être plus de difficultés, mais je n’en suis même pas sûr, en France. Ce qui est frappant, c’est qu’en Afrique du Nord, les imams disent aux patients « voyez avec le docteur », alors qu’en France, nous avons plutôt tendance à leur dire « voyez avec l’imam ».