Le tabac est-il la drogue du pauvre ? A sept euros les vingt cigarettes, on pourrait en douter. Et pourtant, jamais le tabagisme n’a à ce point marqué la condition sociale, à en croire le dernier Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire de Santé publique France. L’agence publie ainsi son Baromètre santé 2016, une enquête aléatoire réalisée par téléphone auprès de 15 200 personnes âgées de 15 à 75 ans, résidant en France métropolitaine.
Les résultats montrent d’abord que la prévalence du tabagisme faiblit au gré des années, mais lentement. En France, en 2016, 28,7 % des sondés fumaient quotidiennement. C’est légèrement moins qu’en 2010 (29,1 %), année qui a fait suite à une forte hausse du tabagisme en France (de 31,4 % à 33,7 % entre 2005 et 2010). En outre, depuis 2010, le tabagisme quotidien a beaucoup diminué parmi les hommes de 25-34 ans (de 47,9 % à 41,4 %) et parmi les femmes de 15-24 ans (de 30 % à 25,2 %).
Les inégalités sociales se creusent
Mais ces données ne permettent pas de s’exalter. La France reste l’un des pays où l’on fume le plus. Si l’on ajoute à ces fumeurs quotidiens les consommateurs occasionnels, la prévalence tabagique dans l’Hexagone atteint un tiers de la population, soit l’un des pires taux d’Europe.
Par ailleurs, les baisses constatées ne semblent concerner qu’une partie de la population, la plus privilégiée. Entre 2010 et 2016, alors que la prévalence du tabagisme est passée de 23,5 % à 20,9 % parmi les personnes aux revenus de la tranche la plus haute, elle a augmenté de 35,2 % à 37,5 % chez les personnes aux revenus de la tranche la plus basse. Et atteint même 50 % chez les chômeurs. « Les écarts selon le niveau de diplôme suivent une tendance similaire, témoignant ainsi d’une augmentation des inégalités sociales en matière de tabagisme », notent les rapporteurs.
Stress, défiance, dépendance
Plusieurs facteurs peuvent expliquer une prévalence du tabagisme plus élevée parmi les populations socialement défavorisées, selon le BEH. Les auteurs citent ainsi l’usage de la cigarette « pour gérer le stress, la difficulté à se projeter dans l’avenir, la méfiance à l’égard des messages de prévention, le déni du risque, une dépendance nicotinique plus importante, une norme sociale en faveur du tabagisme ou des événements difficiles pendant l’enfance ».
De plus, le processus de sevrage diffère selon la situation socioéconomique : les fumeurs des catégories sociales moins favorisées sont aussi nombreux que les autres à vouloir et à tenter d’arrêter de fumer, mais ils y arrivent moins souvent, peut-on lire.
« Afin de mieux comprendre ces inégalités, une publication française portant spécifiquement sur les usages de substances psychoactives selon la situation professionnelle (en emploi ou au chômage) concluait à la nécessité de réaliser des actions de prévention adaptées, efficaces et acceptables pour les plus défavorisés ».