C’est un trouble qu’on évite d’évoquer. Moins répandue que l’incontinence urinaire, l’incontinence fécale ou anale touche pourtant un million de Français. Et malgré les conséquences sur la qualité de vie et le quotidien, de nombreux malades tardent à consulter. Outre le sentiment de honte, les patients pensent qu’il n’y pas de solution efficace. Mais le traitement mis au point par une équipe de l’université et du CHU de Rouen, et présenté dans Annals of Surgery, pourrait bien changer la donne.
L’incontinence anale est liée à l’altération des muscles sphincter qui entourent l’anus. Ces dommages peuvent apparaître après un accouchement – entre 10 et 15 % des femmes sont concernées -, une intervention chirurgicale ou une atteinte neurologique. Le vieillissement et les changements hormonaux chez la femme sont aussi des facteurs.
Pour atténuer les symptômes, il faut donc réparer ces muscles et leur redonner leur capacité de contraction.
Une thérapie efficace chez le rat
Pour y arriver, des chercheurs français de l’Inserm dirigés par Olivier Boyer ont imaginé une thérapie cellulaire consistant à utiliser des cellules souches musculaires, aussi appelées myoblastes. Leurs premiers tests effectués chez le rat ont été très prometteurs. Après l’injection, les cellules souches sont devenues des fibres musculaires. Les cobayes ont alors récupéré une fonction sphinctérienne.
Fort de ces résultats, ils ont expérimenté leur traitement chez 24 patients dans le cadre d’un essai de phase 2 randomisé en double aveugle. La moitié des volontaires ont donc reçu une injection de myoblastes et l’autre moitié un placebo. Ni les participants ni les médecins ne savaient ce que contenaient les seringues.
Au préalable, un fragment de muscle a été prélevé au niveau de la cuisse des malades. Les cellules souches ont ensuite été cultivées en laboratoire pour en obtenir un nombre insuffisant. Pour chacun des participants, les préparations ont été congelées.
60 % de répondants
Un an après l’injection, le traitement a fonctionné chez 7 personnes sur 12 (58 %) alors que seulement une patiente du groupe placebo a vu son incontinence s’améliorer. « Face à ces bons résultats, les patients du groupe placebo qui le désiraient ont pu bénéficier de l’injection de leurs cellules musculaires qui avait été cryoconservées. Leur suivi a montré un taux de réponse aussi satisfaisant que celui du 1er groupe », indique l’Inserm.
Pour les auteurs, ces travaux montrent que cette thérapie innovante est efficace pour traiter des patients atteints d’incontinence anale. Elle apparaît également sûre et bien toléré. Bien que leur essai clinique se poursuit, ils estiment qu’elle pourrait trouver sa place dans l’arsenal thérapeutique au même titre que la stimulation des racines sacrées ou l’implantation de sphincter artificiel.