100 000 places. C’était l’objectif de création de places en crèche annoncé par Najat Vallaud-Belkacem en 2013, alors qu’elle était encore ministre des Droits des femmes. En septembre dernier, Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf), avait regretté ce chiffre « qui était ambitieux » ne serait pas atteint d’ici la fin du quinquennat de François Hollande.
Le projet s’est notamment heurté à la réticence des communes, qui ne peuvent pas toujours assumer leur reste à charge par place de crèche, autour de 3 000 euros par an. Fin 2015, un peu plus de 40 000 places avaient néanmoins été créées. Mais ce n’est pas tant le nombre de places que leur répartition qui est à revoir, estime de son côté Terra Nova.
Dans un rapport qu’il publie ce mercredi, le laboratoire d’idées estime qu’avec un objectif plus raisonnable de 40 000 places en plus d’ici 2022, mais donnant priorité aux enfants qui en ont le plus besoin, « dans les quartiers populaires et les territoires ruraux », l’égalité des chances serait favorisée.
30 millions de mots en moins
Car, d’après Terra Nova, c’est durant cette période que beaucoup de choses se jouent. « Avant même l’entrée en maternelle, une forte proportion de nos enfants est déjà touchée par des difficultés que l’école peine souvent à résorber au cours des dix années suivantes », expliquent les rapporteurs dans un communiqué.
Ils rappellent également les résultats d’une étude américaine, « The early catastrophe », qui avait montré qu’à 4 ans, les enfants issus de familles défavorisées avaient entendu en moyenne 30 millions de mots de moins que ceux de familles aisées, qui avaient ainsi deux fois plus de vocabulaire.
Les investissements en crèche sont très rentables. Le programme Carolina Abecedarian, lancé aux États-Unis dans les années 70, s’attachait à proposer plus d’activités stimulantes, faisant évoluer un fonctionnement proche de la garderie vers l’apprentissage.
Et les effets à long terme sont clairs : un dollar investi dans ce programme aurait rapporté 2,5 dollars en revenus supplémentaires pour les mères, puis pour les enfants une fois actifs. Il aurait aussi permis de limiter les dépenses de santé. C’est la période la plus propice à l’investissement éducatif.
Défavorisés et désavantagés
« Les crèches répondent à un besoin important pour toutes les familles ; mais pour les enfants pauvres, elles peuvent changer le cours d’une vie ». Malheureusement, les crèches françaises accueillent encore trop peu d’enfants issus de milieux défavorisés, regrette le think tank. Ce sont pourtant ceux qui en auraient le plus besoin. D’après une étude de la Drees publiée en 2014, le taux de ces enfants accueillis en crèche n’est que de 5 %, alors qu’il est de 22 % pour ceux de familles aisées.
Terra Nova souhaite aussi que les attributions de places soient plus transparentes. Dans de nombreux établissements, elles sont réservées aux enfants dont les deux parents travaillent. Ce qui favorise les enfants de familles aisées. La complexité administrative décourage aussi les parents les moins avertis, qui sont souvent aussi les plus défavorisés.
Du côté des investissements, la part à charge des communes doit être réduite de 20 à 5 %, ce qui engendrerait un surcoût de 90 millions d’euros par an pour la Cnaf, soit une hausse de 2,6 %.