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Jean-François Clervoy

Retour de Thomas Pesquet : "Une petite déprime peut survenir"

Par Anne-Laure Lebrun

ENTRETIEN. A quelques heures de l'atterrissage de l'astronaute français, l'un de ses préparateurs et confrères explique ce qu'il ressentira une fois sur terre. 

Pesquet/ESA/NASA/SIPA
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A 16h10 ce vendredi 2 juin, Thomas Pesquet et son collègue russe Oleg Novitskiy poseront les pieds sur la terre ferme après avoir passé 6 mois dans la station spatiale internationale (ISS). Le trajet de retour dans le vaisseau Soyouz devrait durer entre 3 et 4 heures seulement, mais il a exigé plus d’une semaine de préparation pour les astronautes et équipes au sol. Pressé de rentrer, l’astronaute français a déjà préparé sa valise. Il rêve de partir quelques jours en vacances en Australie ou Nouvelle-Zélande.

Après leur atterrissage musclé au Kazakhstan, les hommes de l’espace passeront entre les mains des médecins pendant plusieurs jours pour s’assurer qu’ils se réadaptent bien. Ils seront scrutés sous toutes les coutures avant de retrouver leur famille et une vie plus ordinaire. Explications avec Jean-François Clervoy, astronaute français qui a réalisé 3 missions spatiales.

Que va ressentir Thomas Pesquet une fois le pied posé sur terre ?
Jean-François Clervoy :
Il y a deux sensations spectaculaires pour un astronaute. C’est d’abord une sensation de lourdeur. Tout semble très lourd, même son portable, sans parler de son propre corps. On a l’impression que tout est en plomb.

L’autre sensation est la perte d’équilibre. Le système vestibulaire n'étant plus calibré, il est impossible de tenir debout sans garder les yeux ouverts. Cette perturbation dure plusieurs jours et disparaît petit à petit.

Ecoutez...
Jean-François Clervoy, astronaute français

 

Y-a-t-il une étape importante lors de ce retour ?
Jean-François Clervoy : Le plus important lors d’un retour de vol spatial, même pour les vols courts, c’est le « fluid loading protocol ». C’est un protocole préventif consistant à boire un liquide salé riche en minéraux dans l’heure qui précède le retour sur Terre. Cela permet de reconstituer le volume sanguin perdu au début du vol et d’augmenter la pression artérielle. Si un astronaute ne le boit pas, il est incapable de se remettre debout à l’arrivée. Toute le système cardiovasculaire est lui aussi déconditionné.

Il ne rentrera pas tout de suite chez lui…
Jean-François Clervoy : Après un vol de longue durée, il y a une phase de réhabilitation d’environ 3 semaines durant laquelle l’astronaute est chouchouté. Il doit suivre un programme d’exercices physiques et de suivi médical pour optimiser son retour à un état normal de terrien et lui redonner une aptitude au vol spatial.

Cette réhabilitation permet de s’assurer que l’astronaute se sent totalement normal. Une sensation qui doit surtout être confirmée par les médecins. Car vous savez, lors d’un vol spatial, on devient vraiment extra-terrestre. On subit des changements du système digestif, cardiovasculaire, osseux, immunitaire ou encore visuel. Or, on ne ressent pas tous ces changements. Ce sont les médecins qui nous disent que nous avons perdu du calcium ou que nous avons une atrophie musculaire. C’est eux qui le savent, alors nous les écoutons.

Et de retour sur Terre, la nostalgie ou une petite déprime est-elle à craindre ?
Jean-François Clervoy : Elle est normale et atteint tous les astronautes à des niveaux plus ou moins importants. Mais elle n’arrive pas tout de suite. Thomas sait ce qui l’attend pour les prochaines semaines. Ce ne sera pas un choc mais un grand changement. Il s’y est préparé. Mais lorsqu’il se consacrera à plein temps aux invitations des écoles, des institutions publiques et qu’il répondra toujours aux mêmes questions sur son vol, il vivra cette expérience passée. Et c’est là que la petite déprime peut survenir, parce qu’on ne trouve pas d’activité aussi exaltante et extraordinaire que celle d’être dans l’espace.