85 euros par mois, et pas un de plus. Voilà la somme que les étudiants peuvent, en moyenne, consacrer à leurs achats alimentaires. En période de disette, ces jeunes Français font des choix. Et pas toujours les bons. Selon le dernier rapport de la Croix-Rouge, 13 000 étudiants sautent 4 à 6 repas par semaine.
Les jeunes de l’Hexagone sont loin d’être isolés en la matière. Pour faire le point sur l’état de santé de cette population, la Mutualité Française a rassemblé plusieurs équipes à Dunkerque (Nord). A l’occasion du colloque Universanté, organisé ce 1er juin, le Pr Patricia Blackburn a présenté les résultats de son projet A+. Pendant un an, cette kinésiologue a suivi l’évolution des jeunes inscrits à l’université du Québec à Chicoutimi (Canada).
Pourquoi avoir mené cette étude ?
Pr Patricia Blackburn : Il est démontré que l’entrée à l’université représente une période critique pour les habitudes de vie. Les étudiants modifient leurs habitudes alimentaires, font moins d’activité physique. Certaines études ont montré que cela est associé à une dégradation des facteurs de risque cardiovasculaires. C’est sur la base de ces constats qu’on a décidé de mettre en place ce projet. On a suivi des étudiants en première ou en deuxième année universitaire, qui ont été évalués deux fois : au mois de septembre et au mois d’avril.
Les étudiants mangent-ils différemment ?
Pr Patricia Blackburn : On a observé une modification des habitudes alimentaires. Les étudiants et les étudiantes ont diminué leur consommation de fruits et de légumes. C’est particulièrement marqué pour les légumes. Les filles, par exemple, consomment jusqu’à deux portions de moins par jour. Or, on sait que c’est un indicateur de bonne alimentation.
Leur forme physique évolue-t-elle ?
Pr Patricia Blackburn : On n’a pas noté de détérioration de la condition physique des étudiants. Par contre, on a relevé une augmentation du niveau de sédentarité. Il est certain que les étudiants bougent moins, restent assis sur de plus longues périodes. On a aussi évalué l’IMC et le tour de taille, qui évaluent la prise de poids, et on remarque que nos étudiants ont pris du poids, principalement chez les hommes. Le tour de taille peut augmenter de 2 à 3 cm. On sait qu'une accumulation des graisses au niveau de l’abdomen est un facteur de risque. Malgré le fait qu’ils restent dans des bornes normales, il y a une détérioration du profil lipidique.
Comment explique-t-on cette dégradation ?
Pr Patricia Blackburn : L’accès aux aliments sains est plus difficile du fait d’un revenu plus faible. On peut aussi penser au manque de temps, qui fait que les étudiants ne cuisineront pas suffisamment. Mais ils manquent aussi tout simplement d'expérience ! Ils ne savent pas quoi faire, comment cuisiner. On sait que les compétences culinaires ont reculé chez les jeunes. Leur donner des outils pour être autonomes peut les aider.
Comment favoriser de meilleures habitudes ?
Pr Patricia Blackburn : Le fait d’avoir une motivation autodéterminée favorise l’acquisition de bons comportements. A Chicoutimi, on a décidé de développer un programme d’intervention dès la prochaine rentrée. Il les aidera à devenir plus autonomes concernant les choix alimentaires, l’activité physique… On va leur proposer des capsules nutritionnelles, envoyées par mail, et des ateliers culinaires. Ils auront pour objectif d’améliorer leurs connaissances nutritionnelles mais aussi leurs compétences.
En quoi consistent ces ateliers culinaires ?
Pr Patricia Blackburn : Durant toute l’année, nos étudiants auront accès à 20 ateliers culinaires, donnés par une nutritionniste qui exerce sur place. C’est une de mes étudiantes graduées. On va leur montrer comment planifier les repas, manger équilibré à petits prix… On espère que cela les aidera à mieux s'organiser et ne pas choisir d’aller manger de la restauration rapide.