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Tribune

Attentats : les réseaux sociaux sont un facteur de stress

Par Antoine Costa

Les informations véhiculées, lors d'attentats, par les réseaux sociaux stressent les jeunes adultes, qui ont du mal à réguler leurs émotions.

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Les téléphones se mettent à vibrer, résonnant des alertes des sites d'infos qui s'enchaînent et se multiplient, les titres au départ prudents deviennent funestes... Il faut se rendre à l'évidence, un attentat a encore frappé. Londres samedi 3 juin aux alentours de 22 h est la dernière ville en date à avoir été touchée par cette longue série de drames qui endeuillent le monde depuis plusieurs années.

Avec toutes ces atrocités, quoi de plus naturel que de se tourner vers les réseaux sociaux, pour exprimer sa solidarité, son empathie, sa colère ou encore suivre le déroulé des événements ? Le hashtag #PrayForManchester avait déjà été utilisé plus de 60 000 fois sur Twitter moins de 24 heures après l'attentat-suicide qui a coûté la vie à 22 personnes ,dont de nombreux enfants, quelques jours avant l'attentat de Londres.

Les réseaux sociaux favorisent le développement de l'anxiété

Pourtant, cette « contagion émotionnelle » n'est pas sans conséquence, plus particulièrement sur la psyché des plus jeunes, affirment Emmanuel Monfort, maître de conférences en psychologie à l'université Grenoble-Alpes, et Mohammad H. Afzli, chercheur post-doctoral au département de psychiatrie de l'université de Montréal, dans une longue tribune publiée sur le site The Conversation.

« Il semble d'ores et déjà avéré que les réseaux sociaux favorisent le développement de l'anxiété dans les situations de crise, en raison d'un processus de contagion émotionnelle, c'est-à-dire d'un transfert à d'autres individus de son propre état émotionnel », expliquent ainsi les scientifiques. Selon eux, ce processus pourrait être lié à la manière dont les individus régulent leurs émotions : « Cette manière de s'adapter est en effet associée aux influences sociales, celles-là au cœur des réseaux sociaux. »

Un mois après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, ces deux chercheurs avaient interrogé un échantillon de 451 jeunes adultes sur le temps qu'ils avaient passé à rechercher des informations sur les médias, à la fois traditionnels (télévision, radio, journaux) et numériques (sites internet, réseaux sociaux), sur les stratégies utilisées pour faire face aux émotions ressenties et sur les éventuels symptômes dont ils pouvaient souffrir.

« Il s'agit de rester vigilant »

Les résultats obtenus vont clairement dans le sens d'une « contagion émotionnelle chez les plus grands consommateurs de réseaux sociaux dans le mois qui a suivi les attentats », indiquent-ils. « Plus les individus qui ont répondu à notre enquête ont passé de temps sur ces réseaux, plus ils manifestaient un niveau d'anxiété et de dépression important (mais non de stress post-traumatique), et ce, lorsque parallèlement, ils avaient recours à des stratégies de régulation émotionnelle dites dysfonctionnelles (par exemple, le fait de garder ses sentiments enfouis, ou encore de se décharger verbalement sur les autres) », expliquent les deux scientifiques dans leur tribune. Une association qui n'était en revanche pas vraie pour le temps passé à regarder des informations sur les attentats à la télévision, à écouter la radio, à consulter les sites internet ou la presse papier.

Les informations véhiculées par les réseaux sociaux ne semblent pas constituer en elles-mêmes un trauma, « mais plutôt un facteur de stress qui agit sur l'humeur des jeunes adultes qui ont du mal à réguler leurs émotions », analysent-ils.

S'il est évident que les réseaux sociaux peuvent constituer des outils extrêmement efficaces pour diffuser des messages d'alerte ou de solidarité et donc pour protéger le plus grand nombre dans les situations de crise, « il n'en reste pas moins qu'il s'agit de rester vigilant aux différentes manières dont ces nouveaux outils sont utilisés dans les situations de crise et notamment à la suite d'attentats de masse », concluent-ils.