Elle y était pressentie, la voici officiellement confirmée : la troisième salle de consommation à moindre risque de France ouvrira ses portes dans la ville de Bordeaux. Jusqu’ici, on savait que son maire Alain Juppé n’était pas particulièrement demandeur du dispositif, mais il ne s’y opposait pas non plus. Maintenant que l’ARS (Agence Régionale de Santé) Nouvelle-Aquitaine a rendu son évaluation des besoins, le projet peut enfin démarrer.
400 à 1 200 usagers
L’ARS avait été missionnée afin de rendre compte des besoins en termes de pratiques des usagers et de prévalence des consommations de drogues dans la ville. Son rapport confirme la nécessité d’ouvrir cette salle. Entre 400 et 1 200 usagers de drogues pourraient constituer la file active du futur espace géré par l’association La CASE et par le CEID (Comité d’Etude et d’Information sur la Drogue).
Le lieu retenu se situe à l’hôpital Saint-André, en centre-ville, dans un local dédié et indépendant. L’absence de voisinage direct devrait éviter les craintes que suscitent les SCMR parmi les riverains, comme on a pu le voir à Paris. Des discussions préliminaires évoquaient la rue Saint-Jean comme site pour la nouvelle salle, mais les réactions défavorables des riverains ont incité à déterminer un lieu plus sécurisant pour le grand public.
Triple objectif
« L’objectif est triple, précise à Pourquoidocteur Nicolas Brugère, adjoint santé à la Ville et médecin de profession. Il s’agit d’abord d’améliorer l’état de santé des usagers injecteurs en diminuant leurs pratiques à risque avec l’accompagnement des aidants, et en réduisant les risques de surdose. Par ailleurs, le dispositif vise à limiter les comorbidités chez cette population, souvent atteinte de pathologies associées (troubles psychiatriques, hépatites, VIH…) – d’où la filière hospitalière qui a été retenue ».
Enfin, la SCMR permettra, comme à Paris et à Strasbourg, de s’adresser aux usagers les plus marginalisés. Il s’agit ainsi de les « ramener vers l’accès aux soins, de s’assurer qu’ils bénéficient d’une protection sociale et, à terme, de tenter de diminuer les consommations à travers le soin ».
Opiacés majoritaires
L’évaluation de l’ARS confirme qu’il n’existe pas de « scène ouverte » de consommation de drogues à Bordeaux, à l’image de la gare du Nord à Paris, par exemple. Toutefois, les lieux de consommation existent, qu’il s’agisse de squats ou d’autres lieux connus par la police et les travailleurs médico-sociaux.
« Les usagers à Bordeaux consomment surtout des opiacés (sulfates de morphine), un peu d’héroïne, précise Jean-Michel Delile, directeur du CEID. La cocaïne sous forme injectée vient en seconde ligne. On observe une émergence de pratiques autour du crack (inhalé), auxquelles la future salle devra répondre – le projet n’intégrait pas cette dimension jusqu’ici ».
Le 4 juillet 2017, le CEID et La CASE devront rendre leur feuille de route commune. La nouvelle SCMR ouvrira fin 2017-début 2018, précise Nicolas Brugère. La municipalité, avec les professionnels de santé, réfléchit à un autre dispositif de réduction des risques, mobile cette fois : un bus qui irait à la rencontre des usagers sur les lieux mêmes de consommation, selon la même logique que la salle (supervision des injections, réduction des pratiques à risque, dépistage, intégration des usagers…).