ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Sport et maltraitance : "Tous les niveaux de pratique sont concernés"

Dr Véronique Lebar

Sport et maltraitance : "Tous les niveaux de pratique sont concernés"

Par Stéphany Gardier

Entraînements musclés, violences, dopage : les maltraitances restent taboues dans le milieu sportif. Le Comité Ethique & Sport crée un numéro d'appel pour les victimes.

Bigandt/Epictura

« No pain, no gain ». La formule est devenue tellement populaire qu’elle orne nombre de vêtements de sport, partout dans le monde. Comme pour rappeler à l’athlète, confirmé ou amateur, qu’il n’y a pas de gloire sans souffrance. Pour tenter de concrétiser leurs ambitions de performance, certains sportifs paient cher. Entraînements exténuants, violences physiques ou verbales, conduites dopantes : où s’arrête la quête de l’excellence et où commence la maltraitance ? Un mot encore tabou dans le milieu sportif, où les victimes paient souvent de leur carrière, d’avoir oser briser le silence. Le Comité Ethique & Sport, réuni en colloque à Paris les 30 et 31 mai derniers, veut sensibiliser le monde lance un numéro d'appel pour leur venir en aide.

Evoquer les maltraitances subies par les athlètes c’est faire resurgir des images de centres d’entraînement, d’Europe de l’Est ou d’Asie, où des entraîneurs-matons s’acharnaient sur des enfants, programmés pour gagner. Mais ces images d’Epinal agissent comme autant d’arbres qui cachent la forêt. La maltraitance peut prendre en réalité des formes diverses : discrimination, injures, gestes déplacés, dopage... « Aucune discipline n’est plus ou moins à risque qu’une autre », insiste le Dr Véronique Lebar, médecin, passée par l’Agence française de lutte contre le dopage, le ministère des Sports et maintenant présidente du Comité Ethique & Sport.

"Pour son bien"

Créé en 2013, à l’initiative de professionnels du sport, le Comité Ethique & Sport, a pour objectif d’établir un dialogue constructif avec le mouvement sportif pour mettre en place des actions afin d’ « éliminer les déviances éthiques de toutes sortes ». « L’éthique ce n’est pas la morale, précise le Dr Lebar. C’est tout ce qui touche à l’humain, ce qui permet de préserver l’ingrité et la dignité des individus, en l’occurrence ici les sportifs ».

Et remettre l’éthique au cœur des pratiques sportives pourrait s’avérer un vaste chantier. « Les maltraitances ne sont pas l’apanage du milieu sportif, mais dans l’inconscient collectif, parmi les athlètes elles seraient dans une certaine mesure légitimes, dans le verbe, dans le geste parfois aussi, explique Véronique Lebar. Le sport est un monde d’affrontement ; il y a un gagnant, un perdant, un dominant et un dominé. » Qui n’a pas penser, devant un reportage par exemple, que si un entraîneur hurlait sur son athlète, c’était pour son bien, pour qu’il donne le meilleur de lui-même ? Pour peu que le sportif en question décroche une médaille, et les méthodes « musclées » de l’entraîneur peuvent même faire école… jusque dans le milieu amateur.

 

Tous concernés

La course à l’or olympique n’est en effet pas la seule à « justifier » d’endurer des actes ou des paroles déplacés. Les maltraitances peuvent se produire sur le stade municipal ou au dojo en bas de chez soi ; chez les minimes comme les vétérans. Pour intensifier la lutte contre ces comportements, le Comité Ethique & Sport brandit la carte de la formation, à tous les échelons. Les maltraitances ne doivent plus être banalisées. Ni par l’auteur, ni par la victime.

Une étude réalisée auprès d’athlètes français en 2009 a révélé que plus de 10 % avaient subi des violences d’ordre sexuel. 5 % ont porté plainte. C’est deux fois moins que dans la population générale ! Libérer la parole est fondamental dans un milieu où les victimes paient encore souvent de leur carrière de briser le silence.

Un numéro d’appel (1) a été mis en place par le Comité Ethique & Sport. Une équipe pluridisciplinaire, comprenant notamment un gendarme, propose écoute et accompagnement. « Ce numéro est aussi à la disposition de ceux qui peuvent être témoin d’une maltraitance, ou simplement qui souhaitent s’informer sur le sujet », souligne Véronique Lebar.

 

Regardez l'intégralité de l'Invité Santé avec le Dr Véronique Lebar :