C’est un fait : sans antibiotiques, des infections banales pourraient devenir mortelles. Ces médicaments sont donc primordiaux. Et nombre d’entre eux figurent sur la liste des médicaments essentiels élaborée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Mise à jour ce 6 juin (voir encadré), elle comporte désormais des recommandations sur l’usage des antibiotiques. L’objectif : lutter contre le développement des résistances bactériennes.
Les antibiotiques inscrits sur cette liste ont été séparés en trois catégories, qui reflètent le schéma de prescription. Pour l’heure, ces recommandations ne s’adressent qu’aux traitements qui soignent les 21 infections les plus courantes. Mais si l’approche est efficace, elle pourrait s’étendre à l’ensemble des molécules sur le marché.
Elargir progressivement le spectre
En première ligne se situent les antibiotiques destinés à traiter les infections courantes, comme l’amoxicilline, la doxycycline ou la vancomycine. Un accès permanent doit être assuré, car ces médicaments restent efficaces contre de nombreuses pathologies.
Pour autant, ils ne doivent pas être utilisés n’importe comment. L’OMS recommande de prescrire, en priorité, des antibiotiques dits « à spectre étroit », c’est-à-dire ciblant des bactéries spécifiques. Le risque de résistance est plus faible. Les molécules à large spectre, plus susceptibles aux résistances, devraient être réservées aux échecs thérapeutiques.
Des antibiotiques fragiles
Le deuxième niveau de prudence concerne les antibiotiques à utiliser « avec précaution ». L’OMS y inclut des traitements comme la ciprofloxacine, indiquée contre les cystites et certaines infections des voies aériennes supérieures.
Leur usage doit être limité à certaines indications, si possible lorsque la bactérie a été identifiée. Ces molécules sont, en effet, plus vulnérables au développement d’une résistance. C’est pourquoi l’OMS juge nécessaire la mise en place de programmes de surveillance nationaux, ciblés sur ces traitements.
12 000 décès par an
Enfin, plusieurs groupes d’antibiotiques ne doivent être utilisés que dans les cas les plus graves. C’est le cas de la colistine, mais aussi de la fosfomycine. Ces médicaments sont à réserver aux infections graves et qui ont résisté aux autres traitements, en présence d’une bactérie multi-résistante par exemple.
La surveillance doit être renforcée autour de ces molécules, car l’antibiorésistance menace là aussi. Aux Etats-Unis, en Chine et en Italie, l’émergence du gène MCR-1 – qui induit une résistance à la colistine – a été constatée à de multiples reprises.
Respecter ce schéma est d’autant plus important qu’au moins 12 000 Français meurent chaque année à cause de l’antibiorésistance. « L’augmentation de la résistance aux antibiotiques découle de notre utilisation, parfois abusive, de ces médicaments », rappelle le Dr Suzanne Hill, Directrice du département des médicaments essentiels et des produits de santé, qui appelle les Etats à plus d’action.
75 médicaments de plus sur la liste
75 médicaments font leur entrée sur la liste des médicaments essentiels. Au total, 433 traitements y figurent. Parmi les nouveaux venus, plusieurs antiviraux indiqués notamment dans l’hépatite C et le VIH. L’OMS reconnaît ainsi l’intérêt d’une bithérapie dans le traitement des hépatites, mais aussi celui des antirétroviraux en prévention du VIH (PrEP). Une véritable avancée qui devrait faire évoluer la lutte contre le virus.
« Pour progresser vers la couverture sanitaire universelle, il est essentiel que les pays veillent à ce que chacun puisse avoir accès aux médicaments dont il a besoin, au moment et à l’endroit opportuns », a rappelé le Dr Marie-Paule Kieny, sous-directeur général de l’OMS en charge des systèmes de santé et de l’innovation. Toujours dans une optique d’accès aux soins, l’OMS a ajouté la méthadone et le fentanyl en dispositif transdermique. Ces deux traitements doivent être accessibles aux patients atteints de cancer en fin de vie.