Les soupçons sur la molécule BIA 10-2472 se confirment. Une étude parue dans la revue Science apporte un autre éclairage à l’ « affaire Biotrial », quelques mois après le décès d’un homme et l’hospitalisation de cinq autres personnes à la suite d’un essai clinique en janvier 2016.
La molécule testée dans les locaux rennais Biotrial et produite par le laboratoire Bial possède des effets « hors-cible », selon l’équipe de chercheurs. Elle touche ainsi de nombreux enzymes, en plus de celui que le médicament était censé inhiber.
Système endocannainoïde
En effet, BIA 10-2474 devait n’inhiber qu’un enzyme, appelé Hydrolase d'amide d'acide gras (FAAH), qui régule la production d’endocannabinoïdes. Des travaux précédents montraient qu’inhiber cet enzyme afin de stimuler le système endocannabinoïde, (récepteurs cérébraux impliqués dans la sensation de la faim, de douleur, d’anxiété…) n’induisait pas d’effets toxiques sévères. La piste d’un effet « hors-target », allant au-delà des cibles visées, s’est donc dessinée.
Cette piste se confirme dans ces travaux menés sur des cellules humaines et fondés sur des techniques complexes d’analyse du profil des protéines, permettant d’évaluer l’activité d’une molécule sur un très large groupe d’enzymes. Les chercheurs ont comparé le profil de BIA 10-2474 à celui d’une autre molécule qui vise l’enzyme FAAH exclusivement.
Fortes doses
Or, les auteurs ont observé qu’à forte dose, la molécule de Bial perturbait l’activité des lipases, des enzymes impliquées dans la métabolisation cellulaire lipidique. Certaines des protéines « hors cible » étaient presque complètement inhibées (à plus de 90 %).
Ces effets non escomptés pourraient expliquer les atteintes occasionnées par la prise du médicament testé lors de l’essai clinique de phase 1, bien que la relation de causalité ne soit pas prouvée. Les effets secondaires allaient des maux de têtes aux lésions cérébrales irréversibles.