Depuis le début de l’année, 5 adolescents se sont gravement intoxiqués avec de la codéine. Pas parce qu’ils étaient souffrants, mais dans un but récréatif. Deux d’entre eux sont morts de ce détournement. La mère de Pauline, l’une de ces victimes, a lancé une pétition sur Change.org. Elle y demande la mise sous ordonnance obligatoire des médicaments à contenant de la codéine.
Car la défonce médicamenteuse est un peu trop facile à l’heure actuelle. Pour moins de cinq euros, il est possible d’acheter une boîte de paracétamol codéiné. Sans présenter d’ordonnance. Face au problème, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a récemment lancé une réflexion.
Les pharmaciens sont en première ligne pour lutter contre ces abus. Comment s’organisent-ils face aux demandes non justifiées ? Alain Delgutte, président du conseil central de l’Ordre national des pharmaciens, représentant des titulaires d’officines, répond aux questions de Pourquoidocteur.
Le mésusage de ces médicaments a-t-il pris de l’ampleur ?
Alain Delgutte : De manière récurrente, on constate des demandes pour des usages détournés de médicaments à base de codéine ou de comprimés antihistaminiques. Cela touche toutes les populations, mais il y a eu une vague chez les jeunes avec le Purple Drank qui a tourné sur les réseaux sociaux.
Les pharmaciens ont l’obligation de s’assurer que les médicaments qu’ils dispensent sont adaptés à la personne qui les reçoit. Or, on connaît les médicaments qui font l’objet d’un détournement. Lorsqu’on nous demande plusieurs boîtes, ou plusieurs types molécules, cela soulève notre attention. Nous engageons alors un dialogue pour nous assurer que le but est bien thérapeutique, et non détourné.
Faut-il placer les spécialités à risque de détournement sous ordonnance obligatoire ?
Alain Delgutte : Il n’est pas du ressort de l’Ordre national des pharmaciens de le dire. Mais faisons attention à ne pas placer toutes les molécules sous ordonnance, et de priver l’immense majorité des Français d’un produit efficace. Il appartient aux pharmaciens de déterminer s’il y a mésusage, et d’orienter les jeunes ou moins jeunes qui en font la demande vers des structures qui prennent en charge l’addiction. Cela relève de notre rôle quotidien.
Que peuvent faire les pharmaciens ?
Alain Delgutte : Des réunions d’échange se font régulièrement avec les médecins, les pharmaciens et les autorités sanitaires. Quoi que décide l’ANSM, les pharmacies s’y conformeront et appliqueront la législation.
De toute façon, le pharmacien peut, et doit, refuser la délivrance d’un médicament s’il estime que cela peut présenter un risque pour la santé du patient qui le demande. C’est tout l’objet de l’entretien que les pharmaciens ont à la demande : s’assurer que cela répond à un besoin thérapeutique et non à un autre besoin.