Un Français sur deux est en surpoids ou obèse. Depuis 10 ans, cette proportion n’a pas changé. C’est la principale conclusion du dernier Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH). Il y a là de quoi se réjouir. Car ailleurs dans le monde, la surcharge pondérale ne cesse de progresser.
Mais un autre résultat de cette enquête a de quoi doucher l’enthousiasme général. A défaut de grossir, de plus en plus de Français sont trop maigres. Chez les hommes adultes, la maigreur est passée de 0,7 % à 2,4 %. Avant 18 ans, la progression est encore plus marquée.
En 2015, 12 % des garçons et 14 % des filles sont considérés trop maigres. Le pic se produit à 11-14 ans pour les fillettes et 15-17 ans pour leurs camarades masculins. Une jeune fille sur cinq est concernée par la maigreur. Que faut-il comprendre de cette évolution ?
Le Dr Catherine Salinier, pédiatre à Gradignan (Gironde) et ancienne présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) répond aux questions de Pourquoidocteur.
Pourquoi la maigreur a-t-elle autant progressé ?
Dr Catherine Salinier : Les adolescentes sont très soucieuses de leur poids, elles ont plus tendance à adopter des conduites alimentaires qui favorisent la restriction et la maigreur, sans aller jusqu’à l’anorexie mentale. Les causes sont classiques : les journaux leur envoient une image de minceur extrême. Chez les enfants, on peut supposer que les mamans sont trop soucieuses d’une éventuelle obésité et restreignent trop leurs enfants. Mais je n’ai pas observé ce phénomène dans ma pratique quotidienne.
Faut-il y voir un reflet des normes sociales ?
Dr Catherine Salinier : Cela fait un certain nombre d’années que, nous pédiatres, modifions notre discours. Les gens ont souvent entendu qu’il fallait limiter le gras, le sucre, le sel et ils l’éliminent. Certains parents ont pris les choses trop à la lettre, ce qui se traduit par des dérives restrictives. A tort, car le PNNS (Programme national nutrition santé, ndlr) n’a jamais demandé cela. Il ne faut pas diaboliser le gras ou le sucre. Il y a une différence entre une cuillère de sucre dans un yaourt, ce qui est légitime, et manger trois barres chocolatées dans la journée.
Comment repère-t-on un cas de maigreur chez un enfant ?
Dr Catherine Salinier : Comme pour l’obésité, on s’intéresse à la progression de la courbe. Si la courbe de corpulence est régulière et harmonieuse, c’est différent de quelqu’un qui maigrit régulièrement. On repère cela en faisant suivre les enfants par un médecin, une fois par an. A partir du moment où on constate une déviation de la courbe, on mène une enquête diététique pour comprendre les habitudes alimentaires de l’enfant. On essaie aussi de savoir s’il n’y a pas d’autres causes à la perte de poids, une maladie chronique par exemple.
La maigreur est-elle plus grave chez un enfant qu’un adulte ?
Dr Catherine Salinier : Oui, parce qu’un enfant est avant tout un être en développement. Si l’enfant maigrit parce qu’on ne lui donne pas l’alimentation nécessaire, ou parce que son comportement n’est pas adapté, il y a deux dangers : le danger somatique, pour sa croissance physique, et le danger psychologique, qui sous-tend des troubles du comportement alimentaire.
Toute pathologie qui débute dans l’enfance sera plus sérieuse qu’à l’âge adulte puisqu’elle entache l’avenir, qu’elle soit somatique ou psychologique. Mais elle survient aussi à un âge où on peut mettre en place des méthodes de prévention et un traitement précoce qui les mettra à l’abri de complications à l’âge adulte. C’est là tout l’intérêt d’effectuer un suivi annuel.