C’est un triste constat. Les futurs médecins sont plus sujets à la dépression et aux idées suicidaires que la population générale, rapporte une enquête inédite menée par 4 syndicats d’étudiants en médecine et de jeunes médecins (Isni, Anemf, Isnar, Isncca), auprès de 21 000 futurs ou jeunes médecins.
Cette enquête révèle que deux tiers des futurs médecins souffrent d’anxiété, près d’un tiers de dépression, soit des proportions deux fois plus élevées que celles retrouvées chez les Français. Des soignants qui sont aussi plus nombreux à être traversés par des idées suicidaires (24 % contre 20 % en population générale).
Si pour les plus jeunes, notamment les externes, les troubles anxieux sont principalement liés à la préparation du concours de l’internat à la fin de la 6e année, les internes eux souffrent surtout des conditions de travail à l’hôpital. Dans un cas sur deux, le repos de sécurité de 11 heures après une garde de 24 heures n’est pas respecté, souligne l’enquête.
Cette surcharge de travail à laquelle s’ajoute un sentiment de solitude et d’abandon favorise la dégradation de la santé mentale des étudiants en médecine, explique Olivier Le Pennetier, président de l’InterSyndicat National des Internes (Isni).
Les futurs soignants osent-ils dire leur mal être ?
Olivier Le Pennetier : C’est un tabou. On peut entendre : « S’il ne va pas bien, c’est son problème ». C’est faux. Si tout le personnel d’un service ne va pas bien, c’est qu’il y a un problème dans le service. Cela peut être lié aux conditions de travail, à la gestion du service. On a le droit de ne pas aller bien.
Plusieurs événements ont fait avancer cette idée. Malheureusement, ce sont souvent des moments tragiques comme les suicides répétés d’internes ou d’infirmières. Le livre du Dr Valérie Auslender, Omerta à l’hôpital, a aussi permis de lutter contre cette stigmatisation. Il s’agit d’une remise en cause globale du système.
Comment expliquer cette prévalence de troubles mentaux ?
Olivier Le Pennetier : Nous avons pu identifier des facteurs de risque et des facteurs protecteurs. Parmi eux, l’encadrement et le soutien des pairs jouent un rôle déterminant. Un soutien de qualité, avec la mise en place de temps d’échange réguliers dans le service, peut diminuer le risque de dépression. Au contraire, la pression exercée par la hiérarchie peut l’aggraver.
L’enquête met également en avant un faible recours à la médecine du travail. Or, elle peut désamorcer certaines situations. C’est pourquoi nous souhaitons insister sur l’importance de ces consultations.
L’organisation et la gestion des services, avec notamment le respect du temps de travail, sont aussi des facteurs de risques psychosociaux.
Justement, l’enquête montre que le respect du repos de sécurité n’est toujours pas respecté…
Olivier Le Pennetier : Il est obligatoire depuis 2002 mais, en effet, régulièrement, nous sommes obligés de rappeler à l’ordre les CHU. Or c’est très important que les jeunes médecins, tout comme les médecins d’ailleurs, se reposent après avoir travaillé 24 heures en continu. Le non respect du repos de sécurité met en péril les soins prodigués aux patients.
On peut penser que la gestion économique des établissements de santé n’est pas étrangère à ce non respect de la réglementation. Il est donc indispensable que la formation des médecins évolue afin d’améliorer les conditions de travail à l’hôpital.
Vous proposez d’ailleurs d’intégrer une formation au management…
Olivier Le Pennetier : Nous pensons qu’il est très important que les futurs médecins sachent organiser et manager une équipe. Apprendre à travailler en équipe, en fait. Tout ça, on ne l’apprend pas à la fac, alors que cela manque vraiment. Etre formé à la prévention des risques psychosociaux permettra de faire évoluer la situation à l’hôpital.