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Pr Alain Fischer

Onze vaccins : "Il n’est pas question de multiplier les injections"

Par Anne-Laure Lebrun

ENTRETIEN. Agnès Buzyn envisage de rendre obligatoires 11 vaccins. Une mesure qui demandera beaucoup de pédagogie.

belchonock/epictura

La nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, veut poursuivre le chantier de la politique vaccinale. Dans un entretien donné au Parisien, elle s’est exprimée en faveur d’un élargissement de l’obligation vaccinale à 11 vaccins. Une mesure mise en œuvre « pour une durée limitée, qui pourrait être de 5 ou 10 ans », a-t-elle indiqué.

A ce jour, seuls 3 vaccins sont obligatoires pour les enfants de moins de 18 mois : la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. La ministre souhaite voir les vaccins contre la rougeole, le méningocoque C ou encore le pneumocoque devenir obligatoires.

Une prise de position qui rejoint les recommandations émises par la concertation citoyenne présidée par le Pr Alain Fischer, spécialiste en immunologie pédiatrique. Remis fin novembre 2016, le rapport préconisait d’étendre l’obligation vaccinale afin de convaincre les Français du bien-fondé de la vaccination, avant de la lever totalement.

Interrogé par Pourquoidocteur, le médecin de l’hôpital Necker se réjouit d’une annonce aussi rapide de la ministre. Mais il rappelle que cette mesure coercitive doit être accompagnée par de la pédagogie.


Êtes-vous satisfait de l’annonce de la ministre de la Santé ?
Pr Alain Fischer :
Bien évidemment, la réponse est oui, mais il faut bien garder en tête qu’elle a annoncé réfléchir à la mise en place d’une obligation vaccinale temporaire. On n’en est pas encore au stade de la mise en pratique, d’autant plus que cette décision doit être approuvée par le Parlement.

Par ailleurs, la ministre a évoqué une obligation de 5 à 10 ans, je pense que c’est un délai raisonnable pour passer de la défiance importante de la population à une adhésion satisfaisante à l’égard de la vaccination. Et je suis content que la ministre ait conservé l’idée d’une mesure transitoire.

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Alain Fischer, spécialiste en immunologie pédiatrique et président de la concertation citoyenne sur la vaccination

Les enfants recevront-ils plus de vaccins ?
Pr Alain Fischer : Non, ils recevront exactement le même nombre d’injections que celui prévu par les recommandations actuelles. Car rappelons-le, les autorités préconisent déjà qu’un jeune enfant reçoive les 11 vaccins en question. Six d’entre eux sont regroupés dans le vaccin dit hexavalent (1) réalisé à 2 puis 4 mois suivi d’un rappel. En simultané, on fait le pneumocoque. Puis à 2 ans, vient s’ajouter le méningocoque C et le vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole (ROR).

Il n’est donc pas question d’injecter plus de vaccins. En revanche, nous voulons que tous les enfants soient vaccinés.

Est-ce réalisable, au vu des nombreuses ruptures de stock ?
Pr Alain Fischer : Il est évident que la mise en place de cette obligation a toute une série de corollaires. La négociation très stricte avec l’industrie du vaccin en est un. Mais ce n’est pas simple, car il existe une tension mondiale sur les vaccins. Mais je crois que les autorités et les industriels peuvent travailler ensemble pour limiter ces tensions sur les vaccins nécessaires. Ce n’est pas un problème qui se résout d’un coup de baguette magique, sinon ce serait déjà fait. Je pense cependant qu’il existe une marge de manœuvre.

La mise en œuvre pourrait donc être longue ?
Pr Alain Fischer : Cela nécessite différentes étapes. La première est législative. En parallèle, ce temps peut être utilisé pour discuter avec l’industrie et faire en sorte que les vaccins soient disponibles.

Il faudra aussi mener une campagne d’information et de pédagogie à l’égard de la population, mais des enfants eux-mêmes dans les écoles, afin d’expliquer le bien-fondé de cette mesure. Une campagne qui devra être répétée et persister au-delà de la mise en place de l’obligation vaccinale. Il faut aussi mieux former les soignants pour qu’ils soient mieux armés afin d'expliquer la vaccination à leurs patients.

Un autre point qui nous semble important, et dont la ministre n’a pas parlé, c’est la prise en charge à 100 % des vaccins par l’Assurance maladie. Outre la réduction pour les familles, cette mesure est un signal très fort donné à la population.

Les professionnels de santé pourraient eux aussi être concernés par l’obligation…
Pr Alain Fischer : 
Lors de la concertation citoyenne, nous n’avions pas préconisé l’obligation vaccinale pour la grippe. Mais à titre personnel, j’y suis favorable. Il y a un point essentiel concernant la vaccination des professionnels : l’exemplarité. Si nous voulons être convaincants, nous devons montrer l’exemple. C’est une évidence.

(1) Ce vaccin contient 6 souches : la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, l'Hæmophilus ifluenzae de type B et l'hépatite B.