La douleur est oubliée, mais le foie souffre. Plusieurs cas d’atteintes hépatiques associées à la prise de kétamine ont été signalés à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Ce 20 juin, elle appelle les professionnels de santé à faire preuve de prudence dans leur usage de cet agent anesthésique.
Depuis 2014, 10 cas d’atteintes hépatiques graves ont été notifiés aux autorités sanitaires. Tous les patients recevaient de fortes doses de kétamine au moment où les complications ont émergé. Pendant un à cinq mois, ils étaient exposés à des dosages allant jusqu’à 400 mg par heure sur de longues périodes, voire en continu.
Ces personnes souffrent « d’atteintes cholestatiques de type cholangite », précise l’ANSM. Quatre d’entre elles ont même dû recevoir une greffe de foie. On parle de cholangite quand les canaux biliaires à l’intérieur du foie sont progressivement détruits. A long terme, cette maladie peut entraîner une cirrhose, une insuffisance hépatique, mais aussi un cancer des voies biliaires.
Un stupéfiant très contrôlé
Ces complications sont inquiétantes car elles surviennent dans le cadre d’une prise en charge classique. Les patients étaient traités pour des douleurs rebelles ou en prévention de soins douloureux. Deux indications reconnues. Mais les dosages étaient très élevés.
Dans le cas du traitement des douleurs rebelles, elles dépassaient 100 mg par jour, en prise continue. Lors des soins douloureux, la dose allait jusqu’à 400 mg par heure sur une période de 3 à 6 heures. Au vu des risques, « il est indispensable de respecter les posologies préconisées et de surveiller le bilan hépatique de façon rapprochée lors de telles utilisations », souligne l’ANSM.
La kétamine est aujourd’hui sous haute surveillance. Toutes les formulations autorisées en France sont considérées comme des stupéfiants depuis avril. L’objectif était de limiter les usages récréatifs et les abus, qui connaissaient une hausse alarmante. Depuis 2010, des recommandations de bonne pratique s’appliquent aussi.
Cette alerte pourrait également tempérer les ardeurs des personnes impliquées dans la recherche médicale. Récemment, plusieurs équipes se sont tournées vers la kétamine en traitement de la dépression ou encore du stress post-traumatique. Si les doses sont moindres, les effets secondaires devront être pris en compte sérieusement.