Avez-vous déjà vu un éléphant dormir ? Se repose-t-il debout, allongé ? Dort-il la nuit, et combien de temps ? Des réponses ont déjà été apportées par des études sur le plus gros animal terrestre, mais ne concernaient que des animaux en captivité.
Pour mieux appréhender la nature du sommeil éléphantin, des chercheurs du Botswana et d’Afrique du Sud l’ont analysé dans des conditions sauvages. Et les résultats qu’ils ont obtenus, publiés dans la revue PLOS One, sont étonnants.
Ils ont remarqué que la durée de sommeil moyenne pour un éléphant est d’environ deux heures seulement. C’est moins que ce qui avait été observé en captivité, et c’est le temps le plus court observé chez des mammifères, rappelle Alexandra Gros, post-doctorante à l’université d’Edimbourg, qui a rédigé un commentaire dans le Journal du CNRS.
46 heures sans sommeil
Pour recueillir ces données, les scientifiques de l’université du Witwatersrand (Afrique du Sud) ont suivi deux éléphantes du parc national de Chobe (Botswana), pendant 35 jours. Grâce à des capteurs de mouvements sur leur trompe – que les animaux posent sur le sol pendant leurs périodes de repos –, d’un système de localisation GPS et d’un gyroscope – pour détecter la position allongée ou debout –, ils ont pu étudier l’alternance entre les périodes d’activité et de sommeil, et certains détails associés.
Ils ont par exemple pu remarquer qu’en plus d’une durée quotidienne de sommeil très courte, les éléphants pouvaient rester éveillés pendant plus de 46 heures, de manière répétée. Ces périodes de veille correspondent à la présence dans l’environnement d’un prédateur ou d’activités humaines importantes et, globalement, de périodes d’activité intense. Et, étonnamment, après cette longue veille, les deux femelles ne semblaient pas avoir besoin de récupérer.
Sommeil haché et léger
Autre découverte intéressante : elles ne dorment pas d’une traite. Leur sommeil se compose d’une phase principale, d’environ une heure, et de plusieurs autres qui durent près de 20 minutes. C’est un sommeil dit polyphasique, réparti en plusieurs parties ; beaucoup d’animaux ont adopté cette méthode de récupération, les êtres humains aussi. Avant la généralisation de l’éclairage continu, nous dormions en deux fois, rappelle Alexandra Gros.
Les éléphants dorment également très peu allongés : seulement une fois tous les trois ou quatre jours, ce qui ne représente qu’environ 14 % du temps de sommeil total. Ils se privent donc régulièrement de sommeil paradoxal, pourtant essentiel pour la mémoire et les capacités cognitives.
Comprendre l’insomnie
Or, les éléphants sont dotés de qualités exceptionnelles aux niveaux mémoriel et cognitif, qui leur permettent notamment d’utiliser des outils et de faire preuve d’empathie. La question est alors la suivante : comment parviennent-ils à concilier un temps de repos aussi court, et de telles capacités cognitives ? Un comportement intenable pour l’être humain.
La réponse intéresse particulièrement les chercheurs, qui espèrent lever les mystères qui entourent encore le sommeil chez l’homme. Sa compréhension, et en particulier pour l’insomnie sévère, a en effet peu progressé depuis une vingtaine d’années.
Plus d’un Français actif sur cinq dort mal, et ils sont 10 % à souffrir d’insomnies. Capacités cognitives, apprentissage, fonctions métaboliques… Le manque de sommeil pèse sur l’organisme et la santé, et augmente par exemple le risque de développer des maladies cardiovasculaires.