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Arrêt de la Cour de justice européenne

Effets secondaires : indemniser les victimes ne signifie pas que le vaccin est dangereux

Par Marion Guérin

ENTRETIEN - Les victimes qui ont développé des dommages qu'elles imputent à la vaccination pourront, sous conditions, être indemnisées.

nelsonart/epictura
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C’est un arrêt attendu qu’a rendu la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ce jeudi dans l’affaire du vaccin contre l’hépatite B. Le tribunal européen a estimé que même en l’absence de consensus scientifique, le lien de causalité pouvait être démontré par les victimes grâce à un faisceau de preuves « graves, précises et concordantes ». En l’occurrence, les victimes françaises ont développé une sclérose en plaques, qu’elles imputent à la vaccination.

Les études n’ont pas permis d’établir de vérité scientifique à ce sujet. En substituant au lien de causalité indubitable, et souvent improuvable, un faisceau de preuves probables, la CJUE a voulu faciliter les indemnisations des victimes d’effets secondaires d’un produit de santé.

Mais la décision ne manquera pas de faire débat au sein de la communauté scientifique, qui peut s’estimer décrédibilisée et s’interroger sur la valeur de ces jugements.
Retour sur cette décision avec Clémentine Lequillerier, maître de conférences à Paris Descartes et spécialiste du droit de la santé.
 

Pourquoi la CJUE s’est-elle emparée de ce dossier français ?

Clémentine Lequillerier : En France, la Cour de cassation admet depuis 2008 dans ce dossier que l’on puisse établir le lien de causalité entre un vaccin et un dommage, même en l’absence de consensus scientifique, au moyen de « présomptions graves, précises et concordantes » (contentieux de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des produits défectueux).
Mais il appartient aux « juges de fond » (juges de première instance et  d’appel) d’apprécier souverainement si les différents éléments de preuve apportés par la victime sont suffisamment pertinents pour prouver ce lien. 

Du coup, d’une juridiction à l’autre, pour les mêmes éléments de preuve, des décisions très différentes sont rendues. C'est dans ce contexte que la Cour de cassation a saisi la CJUE d'une question préjudicielle portant sur les modes de preuve recevables dans ce contentieux particulier. Cet arrêt est favorable aux victimes en ce qu'il facilite leur indemnisation.


La certitude médicale n’est donc pas la seule preuve possible d’un lien de causalité ?

Clémentine Lequillerier : C’est toute la difficulté de cette décision, qu’il faut expliquer avec pédagogie. L’objectif du droit, dans ces cas-là, consiste à indemniser les victimes. Parfois, il n’y a pas de consensus scientifique, mais cela n’empêche pas de reconnaître une causalité juridique. On parle d'autonomie de la causalité juridique par rapport à la causalité scientifique.

Dans ces dossiers, il est nécessaire de caractériser le lien de causalité pour donner lieu à une réparation, c’est ainsi. Or, si on s’en tient à la seule causalité scientifique, on ne peut pas indemniser.
 

Que comprendre vis-à-vis de la toxicité du vaccin mis en cause ?

Clémentine Lequillerier : Cela ne remet pas en cause la balance bénéfices-risques des vaccins concernés. Les professionnels de santé s’inquiètent qu’une telle décision puisse accroître la défiance envers les vaccins et induire des problèmes de santé publique. Par ailleurs, cela peut laisser croire que des produits sont dangereux et qu’ils sont maintenus sur le marché.

Ce n’est pas du tout le message. Ce n’est pas parce que l’on facilite l’indemnisation des victimes d’effets secondaires potentiellement imputables à un vaccin que ce vaccin est dangereux. Il n’y a que la communauté scientifique qui puisse évaluer le rapport bénéfices-risques d’un produit de santé.