A la veille de la publication de l'avis du comité d'éthique sur l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, Pourquoidocteur a rencontré des couples partis en Espagne.
Il est 16h30 à la sortie d’une école maternelle de Nîmes. Ulysse, 5 ans, plisse les yeux pour trouver ses parents. Il les rejoint près du grand arbre qui offre un peu d’ombre. Il saute alors dans les bras de sa mère Sophie. Son autre maman, Charlotte, porte son petit frère Solal, 2 mois, dans ses bras.
Ces deux petits garçons ont deux mamans. Tout comme, Esteban, 8 mois, le fils de Cindy et Audrey, qui vivent à Montpellier. Ces familles ne se connaissent pas et pourtant, elles ont emprunté le même parcours pour avoir leur enfant. Tous les trois ont été conçus par insémination artificielle avec don de sperme (IAD) en Espagne à la clinique Girexx à Gérone.
Pour Charlotte et Sophie, le périple a été long. « Sophie a subi 4 inséminations artificielles, cela a pris 2 ans pour avoir Ulysse ». Une période difficile rythmée par des allers-retours en train et des rendez-vous chez le gynécologue.
« Pendant les traitements, il faut surveiller la maturation des ovocytes par échographie au moins 2 fois, explique Charlotte. Mais la clinique vous prévient la veille pour le lendemain, il faut être très réactif. Sophie a eu beaucoup de mal à trouver un médecin qui accepte de la suivre dans ces conditions ».
Une grossesse en toute illégalité
Il est d’autant plus difficile de trouver un gynécologue que, en France, le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) est exclusivement réservé aux couples hétérosexuels qui ont des problèmes de fertilité. Mais dans le secret de leur cabinet, des médecins acceptent de prescrire les traitements de stimulation ou de réaliser les examens exigés par les cliniques belges ou espagnoles.
Des noms que se partagent les couples. Il existerait même une liste de « médecins gay friendly ».
Cindy, elle, a trouvé son gynécologue après avoir essuyé un premier refus. « Nous lui avons expliqué notre désir de fonder une famille, ce à quoi il nous a répondu qu’il n’y avait pas de raison que les couples homo en soient privés », se souvient la trentenaire.
Un parcours semé d'embûches
Et quand la clinique décide que le jour J est arrivé, ces femmes doivent être prêtes à sauter dans le train ou faire des centaines de kilomètres en voiture. « Pour une insémination qui dure à peine une minute, on faisait 7 heures de train aller-retour. Ses absences répétées sont injustifiables au travail. Un ami médecin nous a donc prescrit des arrêts de travail », confie Charlotte, qui a porté Solal. De son côté, Cindy a préféré quitter son travail.
Mais cette course d’obstacles ne s’arrête pas à la naissance des enfants. Une fois venus au monde, ils ont dû être adoptés par leur mère non-biologique. Le temps de la procédure, ces enfants n’ont qu’un seul parent officiel. « C’est discriminatoire, on se sent comme des sous-citoyens », glisse Charlotte.
Un vide juridique qui tranche avec leur vie quotidienne. Ces deux couples assurent ne pas avoir reçu de remarques désobligeantes ou déplacées lors de leur parcours de PMA ou depuis la naissance de leurs enfants. Elles ont bien évidemment été questionnées sur l’absence d’une figure paternelle. Des questions qu’elles estiment naturelles et légitimes car elles y ont longtemps réfléchi.
« Notre fils est entouré d’hommes, il a un grand-père et deux oncles. Nos amis sont là aussi. Alors je pense qu’à l’adolescence, quand il aura des questions, il pourra trouver quelqu’un à qui parler », explique Cindy. « Je crois que plusieurs personnes participent à l’éducation d’un enfant, il n’y a pas que les parents », abonde Charlotte.
L'avis tant attendu du comité d'éthique
Pour ces mamans, ce qui compte, c’est que leurs enfants grandissent et s’épanouissent. Militantes, elles aspirent à une ouverture de la PMA à toutes les femmes, et la reconnaissance de la 2e mère. Un message adressé au nouveau président Emmanuel Macron lors de la marche des fiertés du 24 juin.
Cette évolution pourrait bien se réaliser avec Emmanuel Macron. Lors de la campagne présidentielle, il s’était dit favorable à l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes. Mais il avait prévenu qu’il suivrait l'avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Avec près de 3 ans de réflexion, le rapport sera rendu public ce mardi. Le président du CCNE, le Pr Jean-François Delfraissy, a affirmé que cet avis ne ferait pas l’unanimité.