La grande majorité du CCNE est en faveur de l'ouverture de la PMA pour toutes, mais une dizaine de membres se sont exprimés en faveur d'un statu quo.
Le président du comité consultatif national d’éthique (CCNE), le Pr Jean-François Delfraissy, avait prévenu que l’avis sur l’assistance médicale à la procréation (AMP) « ne ferait pas l’unanimité ». Après 4 ans de réflexion, le groupe de travail vient de se prononcer en faveur de l’ouverture de l'AMP pour toutes les femmes. Un avis très attendu par la communauté LGBT. Lors de la 40e Marche des fiertés organisée ce samedi 24 juin, l’accès à l'AMP pour les couples lesbiens était l’une de leurs revendications principales. Il était également très attendu car le président Emmanuel Macron s’était dit favorable à cette évolution de la loi pendant la campagne. Comme il l’avait promis, il devrait suivre l’avis du CCNE.
Mais l’extension de ce droit actuellement réservé aux couples hétérosexuels infertiles divise. Selon un sondage réalisé par BVA pour la Drees (1), 6 Français sur 10 y sont favorables. Le CCNE est lui aussi partagé. Si la majorité des 39 membres a voté pour une ouverture de l'AMP à toutes les femmes, 11 se sont exprimés pour le maintien d’un statu quo.
Les arguments en faveur de l’ouverture
En grande majorité, les membres du CCNE ont estimé qu’il existait 3 arguments justifiant l’ouverture de l'AMP. « La technique est déjà autorisée et ne pose pas de problème éthique, décrit Frédéric Worms, professeur de philosophie française contemporaine à l’Ecole normale supérieure de Paris et l’un des 3 rapporteurs de cet avis. En outre, la demande des femmes existe et nous devons la prendre en compte ».
Le comité estime, en effet, qu’entre 2 000 et 3 000 Françaises ont traversé nos frontières pour aller en Belgique ou Espagne pour y accéder. « Concevoir un enfant dans un contexte homoparental est un projet longuement réfléchi, concerté, qui fait de la grossesse un événement programmé et désiré », ont-ils avancé.
« Enfin, nous avons estimé que la relation de l’enfant à ses origines et sa filiation pouvaient se construire même dans ces familles homoparentales ou monoparentales », ajoute le philosophe, tout en précisant que le CCNE recommande la mise en place d'études sur ce sujet.
Les « points de butée »
Car l'absence de figure paternelle a été au cœur des débats. Du côté des défenseurs d’un statu quo, on dénonce « l’institutionnalisation de familles sans père », explique le Pr Frédérique Kuttenn, chef du service d’endocrinologie et maladies de la reproduction (Hôpital Pitié-Salpêtrière) et l’un des rapporteurs de l’étude.
Membre de ce groupe divergent, la spécialiste de la reproduction soulève aussi le problème de disponibilité des gamètes. « Il n’y a que 250 donneurs de sperme en France. On satisfait très difficilement les besoins des couples hétérosexuels avec une pathologie de la fertilité. Ces couples seront-ils retardés dans leur projet ? Les demandes sociétales passeront-elles en seconde position ? », s'interroge-t-elle.
Devant ces difficultés, les membres opposés à l’ouverture de la PMA s’inquiètent d’une possible remise en cause du don à la française fondé sur l’altruisme et la gratuité. « La prise en charge de la PMA pour les couples de femmes et les célibataires n’est pas non plus résolue », souligne le Pr Kuttenn.
« Tout le monde reconnaît qu’il existe des questions de faisabilité. Le système de santé français ne doit pas supporter un coût supplémentaire et la question du remboursement n’est pas tabou. Néanmoins, ce n’est pas le rôle du CCNE d’y réfléchir », répond Frédéric Worms.
Le président du CCNE rappelle que les conditions d’ouverture de la l’insémination artificielle avec donneur (IAD) feront l’objet de discussions en 2018 lors de la révision des lois de bioéthique. Une consultation citoyenne sera d’ailleurs organisée.
Autoconservation et GPA
En revanche, un statu quo a été voté pour l'autoconcervation d'ovocytes pour convenance personnelle. Les membres du CCNE ont estimé que proposer cette technique à des jeunes femmes « est difficilement défendable ». Ils ont notamment insisté sur les risques liés aux stimulations ovariennes et aux gestes médicaux. « On pense être dans la prévention de l’infertilité, alors que nous sommes dans la prise de risque », a déclaré le Pr Kuttenn. Sept membres ont signifié leur désaccord et demandé la possibilité d’une autoconservation au-delà de 35 ans.
Seule l’interdiction de la GPA a réuni l’ensemble des membres du CCNE. Dans leur avis, ils ont pointé « les violences juridiques, économiques, sanitaires et psychiques exercées les mères porteuses et sur les enfants qui sont les objets de contrats marchands ». Ils ont également réclamé un renforcement des des moyens de prohibition à l'échelle nationale et internationale.
(1) la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux