C’est un défi, et pas des moindres : éviter que la population ne se drogue (trop). Les sociétés de tout temps ont cherché à altérer leur état par la prise de produits psychoactifs, avec des moyens et des objectifs très différents. Alors que la consommation de drogues semble presque inhérente à l’existence humaine, comment inciter les sociétés à ne point en abuser ?
En agissant en amont, très probablement. Avant que l’usage n’ait lieu, avant que la substance ne tombe sous le nez des adolescents friands de sensations fortes. Mieux que la répression de la consommation de drogues, qui produit des résultats très mitigés, l’apprentissage de certaines compétences pourrait être la clé d’une société qui prendrait de moindres risques vis-à-vis des produits psychoactifs.
Savoir dire non
C’est en tout cas le pari de la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives). Ce mercredi, elle consacre une Journée à la prévention des conduites addictives à l’école. Avec un concept central : le développement des compétences psychosociales, que la Mission entend développer sur le territoire.
L’objectif est simple : apprendre à nos têtes blondes à savoir dire « non ». Aux drogues en particulier, mais à tous les comportements à risque en général – les jeux dangereux, la recherche d’intensité, d’intrépidité, la violence, la vitesse, l’interdit à braver à tout prix… Bref, éviter que les enfants se muent en têtes brûlées.
En France, les programmes se mettent en place, ça et là. Dès l’école maternelle, jusqu’à la fin du secondaire. Si les élèves n’entendent pas parler de drogues quand ils apprennent encore à compter, en revanche, ils acquièrent certains réflexes qui, à terme, doivent leur permettre de prendre les bonnes décisions.
Les compétences psychosociales selon l’OMS
L’OMS (Division de la santé mentale et de la prévention des toxicomanies, 1993) définit les compétences psychosociales (CPS) comme « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. »
Les CPS ont été définies par l’OMS avec un but de responsabilisation face à la santé. Elles sont au nombre de 10, qui vont par pair :
• Savoir résoudre les problèmes/Savoir prendre des décisions
• Avoir une pensée critique/Avoir une pensée créatrice
• Savoir communiquer efficacement/Etre habile dans les relations interpersonnelles
• Se connaître soi-même /Avoir de l’empathie pour les autres
• Savoir gérer son stress/Savoir gérer ses émotions
Adrénaline
« Vers la fin de la primaire et au collège, on travaille en particulier sur la notion de prise de risques, explique Isabelle Sédano, directrice du Centre Horizon de l’Aisne (centre d’addictologie). Il s’agit de comprendre ce qu’est un risque, pourquoi c’est attractif, ce qu’est la montée d’adrénaline, ce qui nous pousse à faire des choses osées, qui dépassent notre mode de pensée initial… On travaille sur l’influence, sur ce qui fait qu’on adopte le comportement des autres camarades de classe, qu’on se met à fumer pour s’affilier à un groupe… »
Ces modules, qui se tiennent à raison de trois demi-journées par an en primaire (trois fois deux heures dans le secondaire), sont entrepris sur le mode ludique. Avec des jeux de rôle, des récits d’élèves qui narrent leurs propres expériences de vie, il s’agit « dans un climat bienveillant et coopératif », de discuter de ce qui serait la meilleure solution face à une situation, « des autres alternatives que celle de la prise de risque ».
Au collège, la question des substances psychoactives est plus spécifiquement abordée. Mais les élèves n’entendront pas : « la drogue, c’est mal », dans une logique de transmission verticale. Le message a beau être rebattu à leurs oreilles depuis des décennies, il ne passe visiblement pas.
Au lieu de quoi, « nous leur expliquons que les drogues existent, qu’elles font partie de notre environnement, que certains trouvent un intérêt à les consommer… et partant de là, nous réfléchissons aux moyens de s’en protéger. Cela peut consister à ne pas en consommer, mais aussi, si on en consomme malgré tout, à réduire les risques au maximum pour ne pas se mettre en danger ».
Pérenniser la "positive attitude"
Tout l’intérêt de ce programme fondé sur « l’attitude positive » réside dans sa continuité au sein du parcours scolaire. Le message sur les drogues au collège sera d’autant mieux compris que les élèves s’habitueront, dès le plus jeune âge, à échanger sur leurs expériences de vie et les risques qu’elles comportent.
Mais des difficultés ont pu être rencontrées lors de l’implantation de ces modules, certains parents les réduisant aux questions de drogues et d'addictions, et s’interrogeant sur le bien-fondé d’une formation dès l’école primaire. « D’une part, la prévention ne survient jamais trop tôt et, d’autre part, la démarche est beaucoup plus globale que cela », insiste Isabelle Sédano.
Le programme Primavera, qui réunit plusieurs initiatives menées en maternelle, primaire et secondaire, devrait se déployer dès le mois de septembre à travers la France. Certains dispositifs ont été évalués grâce aux expériences à l’international. Une étude menée par l’Inserm suivra pendant trois ans 800 élèves ayant bénéficié de ces formations. D’ores et déjà, la Mildeca leur apporte son soutien.