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QUESTION D'ACTU

Démarche trop risquée

Autoconservation d'ovocytes : pourquoi le comité d'éthique s'y oppose

Le comité d'éthique estime qu'il faut faciliter la maternité chez les jeunes femmes qui le souhaitent avant de légaliser l'autoconservation des ovocytes. 

Autoconservation d'ovocytes : pourquoi le comité d'éthique s'y oppose OlenaPavlovich/epictura




Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) est hostile à l’autoconservation ovocytaire de « précaution » pour les jeunes femmes. Il estime que cette démarche permettant aux femmes de retarder leur projet de grossesse « est difficilement défendable ».

A ce jour, seules les femmes atteintes d’un cancer ou menacées d’une insuffisance ovarienne prématurée peuvent avoir recours à la vitrification de leurs gamètes. Mais depuis 2016, en contrepartie d’un don d’ovocytes, les femmes n’ayant jamais procréé peuvent en conserver quelques-uns pour elles-mêmes. Les donneuses pourraient en bénéficier ultérieurement en cas d’infertilité, et seulement si le nombre d’ovocytes prélevés à dépassé le nombre de 6.

Une « loi médicalement et éthiquement inacceptable » pour l’Académie de médecine qui s’est prononcée en faveur de l’autoconservation il y a une dizaine de jours. L’institution a notamment dénoncé « le chantage » fait aux femmes et rappelé que pour conserver des ovocytes pour soi, 3 à 4 cycles de stimulation ovarienne seraient nécessaires. Auxquelles s’ajoutent des dosages sanguins répétés, des échographies et des prélèvements sous anesthésie générale.

Et alors que le CCNE met lui aussi en avant « la lourdeur et l’agressivité de ce protocole », il aboutit à une conclusion diamétralement opposée. « Je pense qu’au CCNE, nous nous sommes davantage préoccupés de la santé des femmes qu'à l'Académie. Peut-être que les académiciens sont plus sensibles aux arguments des professionnels de la reproduction », a déclaré à Pourquoidocteur le Pr Frédérique Kuttenn, chef du service d’endocrinologie et maladies de la reproduction (Hôpital Pitié-Salpêtrière) et l’un des rapporteurs de l’étude.


Une balance bénéfice/risque négative

Pour le CCNE, l’autoconservation ovocytaire est « une pseudo-assurance » pour les femmes, car le taux de succès de l’assistance médicale à la procréation (AMP) est de 60 % avec l’utilisation de ses propres ovocytes.
A titre de comparaison, le taux de conception « naturelle » à 35 ans est de 66 % et de 44 % à 40 ans. Des chances trop minces au vu des risques infectieux ou hémorragiques pour les femmes, selon le CCNE. « La demande d’autonomie est une chose, mais la prévention de l’infertilité ne doit pas devenir une prise de risque », a insisté le Pr Kuttenn.

Quid des donneuses d’ovocytes ? « C’est vrai que ce problème est le même pour les donneuses. Mais je le répète, cet avis de juin 2017 n’est pas gravé dans le marbre. Il peut y avoir des évolutions à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique courant 2018 », a indiqué le Pr Jean-François Delfraissy.

Les membres du CCNE ont également estimé que les probabilités d’utiliser ces ovocytes vitrifiés sont très faibles. La majorité des femmes ayant fait congeler leurs ovocytes tomberaient enceintes naturellement et n’auraient jamais besoin d’avoir recours à l’AMP, selon eux.

Craintes des pressions sociétales

Ils mettent également en garde contre l’injonction sociétale d’avoir des enfants et l’émergence d’une norme. « On peut craindre que la possibilité de procréer à l’âge souhaitable et souhaité soit remis en cause pour une "une nécessité de service ou d’entreprise" dans un contexte d’une survalorisation de la place du travail et de la performance », écrivent-ils.

Le CCNE recommande donc que des efforts soient consentis par la société « pour faciliter la maternité des jeunes femmes qui le souhaitent » et leur permettre « d’allier vie de famille et carrière professionnelle ». Il cite notamment une évolution du congé paternité ou un meilleur accès aux crèches.

Toutefois, les avis divergent au sein du CCNE. Sept membres ont estimé que laisser la possibilité aux femmes de congeler leurs ovocytes n’allait pas se « transformer en norme ». Ils reconnaissent qu’une meilleure information sur la baisse de la fécondité avec l’âge, les risques de l’AMP et ses éventuels échecs est indispensable. Condition sine qua non pour que « l’autonomie de leur décision ne soit pas illusoire », concluent-ils.

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