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20 000 morts par an

Thaïlande : du poisson cru responsable de cancers du foie

Par Antoine Costa

Un parasite contenu dans des poissons traditionnellement consommés crus fait exploser les cas de cancer du foie en Thaïlande.

Paul_the_Seeker/FLickr

280 cas pour 100 000 habitants. C’est le taux de cancers du foie enregistré dans certaines provinces de l’Issan, une région du nord-est de la Thaïlande. À titre de comparaison, en France, en 2012, 12 cas pour 100 000 hommes et 2 cas pour 100 000 femmes ont été recensés.

Les chiffres dramatiquement élevés de ce cancer, qui tue au moins 20 000 Thaïlandais chaque année, seraient en grande partie gonflés par l’incidence du cholangiocarcinome, un type de cancer du foie causé par un parasite qu’ils attrapent… en mangeant du poisson cru.

Une priorité nationale

La cause paraît presque trop futile pour avoir de telles conséquences, mais les traditions alimentaires de la région de l’Issan sont devenues un véritable problème de santé publique pour les autorités sanitaires thaïlandaises, qui en ont fait une priorité nationale en 2016.

Un programme de prévention et de dépistage de grande ampleur (baptisé CASCAP), piloté par des médecins de l’université de Khon Kaen, a notamment été lancé pour endiguer l’épidémie.

Poisson cru et jus de citron 

Le responsable est le Koi Pla, un plat traditionnel à base de poisson cru, de jus de citron et de quelques épices. Il sert de repas à de nombreux Thaïlandais du nord-est, notamment des agriculteurs travaillant dans les rizières, car il se prépare en quelques minutes et ne coûte pas cher.

Seulement, les poissons pêchés, notamment dans le bassin du Mékong, sont chargés d’un parasite, Opisthorchis viverrini, qui se loge dans le foie et y élit domicile discrètement, parfois pendant de longues années.

Avec le temps, il y cause une inflammation et des lésions, qui passent souvent inaperçues, mais qui peuvent mener au développement d’un cancer.

« Les gens meurent en silence »

« C'est un grave problème sanitaire ici », explique à l’AFP le Dr Narong Khuntikeo, chirurgien hépatique à l’hôpital universitaire de Khon Kaen. Il est à l’origine du lien établi entre le plat traditionnel et le nombre anormal de cancers du foie en Thaïlande.

« Cela affecte des familles, mais aussi le développement socio-économique, poursuit-il. Mais personne n'en a conscience, alors les gens meurent en silence, comme les feuilles mortes tombent des arbres ».

4 cancers sur 500 dépistages

Avec le programme CASCAP, le Dr Khuntikeo parcourt les campagnes thaïlandaises, pour tenter de changer les habitudes alimentaires, avec un succès relatif. Si certains suivent les conseils et font cuire leur poisson pour tuer le parasite, les traditions culinaires ne sont pas toujours faciles à changer.

Le médecin profite de ces voyages pour dépister le cancer du foie dans ces populations pauvres, qui ne se soignent pas et arrivent souvent à l’hôpital en phase terminale.

Une journaliste de l’AFP a suivi l’une de ses visites dans un village de la région. Sur les 500 habitants dépistés, un tiers montraient des signes de souffrance du foie. Le médecin soupçonne également la présence d’un cancer chez quatre d’entre eux.