« J’ai le sentiment que le jour ou je mourrai, c’est à la Shoah que je penserai ». Simone Veil vient de s’éteinte à l’âge de 89 ans. Avec un chiffre gravé sur son bras gauche : 78651. Un matricule pour rappeler l’histoire qui a forgé son destin.
Simone Veil était une femme du siècle dernier. Celui des guerres monstrueuses, des combats pour le droit des femmes à disposer de leur corps, celui de la construction européenne.
C’est encore une enfant, elle a 16 ans, lorsque les Allemands l’embarquent avec sa sœur et sa mère pour un camp de concentration. Direction Auschwitz-Birkenau, un camp de la mort. Son père et son frère seront déportés ailleurs. Personne ne sait quand et où ils sont morts. Sa mère, elle, sera terrassée par le typhus. La petite Simone échappera à la chambre à gaz en affirmant à un kapo qu’elle avait 18 ans.
Ses blessures ne cicatrisent pas avec le temps. Mais contrairement à ceux qui resteront « écrasés pour toujours par cette immense catastrophe », selon l’expression de Serge Klarsfeld que rapporte Anne Chemin dans Le Monde, Simone Veil fera de cette déchirure un engagement. Pour faire vivre la mémoire du génocide mais aussi pour mener d’autres combats.
Après des études à Sciences Po, elle s’oriente vers la magistrature. Au Quartier latin, les étudiants donnent un coup de pied à une société enfermée dans ses certitudes. Elle n’y est pas insensible.
Plus tard, en 1974, elle est remarquée par le premier Ministre. Jacques Chirac apprécie la femme de caractère. Elle sera ministre de la Santé. Une fonction qui la mènera à la tribune de l’Assemblée nationale ce 26 novembre 1974. Dehors s’affrontent celles qui veulent sortir les avortements des circuits clandestins et ceux qui parlent « d’abattoirs où s’entassent les cadavres des petits hommes ».
« Aucune femme n’a recours de gaité de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame ». Le ton est donné, Simone Veil entame son discours. D’abord hésitante, la ministre est ensuite portée par quelques applaudissements et par une conviction profonde. Sans doute sait-elle que, ce jour-là, la cause de la femme a fait un grand pas. La souffrance, la violence, la détresse des femmes célibataires, rien ne manque dans ses phrases décochées à l’encontre de députés engoncés dans leurs costumes de flanelle.
Une icône est née. Elle restera cinq ans comme locataire du ministère de la Santé et y reviendra en 1993 dans le gouvernement d’Edouard Balladur.
Des valeurs morales bien ancrées, un exigence vis-à-vis d’elle-même et des autres, un caractère trempé, Simone Veil ne transige pas. Son regard en est la vitrine. Et elle bouscule les certitudes d’un monde politique fait par et pour les hommes. Les plus clairvoyants ne s’y trompent pas. Valéry Giscard d’Estaing en fait un porte-drapeau dans les années 80 en la choisissant pour prendre la présidence du Parlement européen.
Autant de causes qui fondent les combats d’une vie. Mais pour Simone Veil, ce parcours hors norme restera celui d’une rescapée.