- La progéria est une maladie génétique qui affecte le vieillissement de l’organisme.
- Une naissance sur 10 à 20 millions est touchée par cette pathologie.
- La mutation du gène LMNA provoque l’accumulation de la progérine dans le noyau des cellules. Cette protéine est toxique.
- Le vieillissement accéléré provoque le décès prématuré des patients. En moyenne, ils meurent vers 14 ans.
- Aucun traitement n’est actuellement disponible pour lutter contre la maladie.
- La molécule découverte par le Pr Nicolas Lévy permet d’inhiber la production de progérine et permet sa dégradation par l’organisme.
Ils sont enfants et vieillards à la fois. A même pas 12 ans, ces jeunes malades présentent tous les signes d’un vieillissement avancé : perte de cheveux, troubles cardiovasculaires, rides profondes… Le mal qui les atteint est rarissime. La progéria ne touche qu’une naissance sur 10 à 20 millions. Dans le monde, une petite centaine de patients vit avec cette maladie génétique.
Pour autant, la recherche médicale n’abandonne pas ces malades à l’espérance de vie très courte – 14 ans en moyenne. A l’université d’Aix-Marseille, une équipe de l’Inserm s’active, avec le soutien de l’AFM Téléthon. Et elle obtient des résultats.
Ce 3 juillet, dans EMBO Molecular Medicine, une nouvelle piste thérapeutique s’esquisse. L’étude décrit la découverte d’un médicament capable de freiner fortement l’évolution de la progéria. Explications avec le principal auteur de ces travaux, le Pr Nicolas Lévy.
Une accumulation anormale
A l’origine de la progéria, une protéine tronquée et toxique pour l’organisme. La progérine n’est normalement produite qu’à un âge avancé. Mais à cause d’une mutation sur le gène LMNA, cette protéine s’accumule dans le noyau des cellules. « Le vieillissement ressemble très fortement à celui qu’on observe chez la personne âgée, voire très âgée », explique le Pr Lévy.
Ce généticien est à l’origine de la découverte du gène qui provoque le syndrome de Hutchinson-Gilford (voir encadré). C’est également lui qui a compris comment la pathologie induit ce vieillissement accéléré.
La progérine n’est pas dégradée par les cellules comme elle le devrait. « Elle est accumulée et entièrement séquestrée à l’intérieur d’une autre protéine dans le noyau de la cellule, ce qui bloque son accès à des voies de dégradation », résume le chef du département de Génétique médicale à l’hôpital de la Timone (Marseille).
Une action à deux niveaux
La découverte du médicament qui cible cette maladie est survenue presque par hasard. Alors qu’ils travaillaient sur les mécanismes de la progéria, les scientifiques ont testé une molécule si nouvelle qu’elle ne porte pas encore de nom. Son code : MG132. Il s’agit d’un inhibiteur du protéasome, dont certains sont indiqués dans le myélome multiple.
Cette classe de médicaments bloque l’action de complexes cellulaires impliqués dans la dégradation des protéines. Elle était donc censée provoquer l’accumulation aggravée de progérine dans les cellules de patients. Mais le phénomène inverse s’est produit. « De manière surprenante, on a obtenu une quasi suppression de la protéine du noyau de la cellule », se souvient Nicolas Lévy.
C’est en enquêtant sur les raisons de cet événement que les scientifiques ont compris. MG132 agit à deux niveaux sur la progérine. D’abord, la molécule « inhibe très fortement la production de la protérine », résume le généticien. Elle s’accumule donc moins dans les cellules et provoque moins de cassures de l’ADN.
Mais l’effet ne s’arrête pas là. Le traitement favorise aussi l’élimination de la progérine, jusqu’ici impossible. Le même constat est émis lors des tests en laboratoire, effectués sur les cellules des différents tissus prélevés à des malades. « Sur notre modèle de souris, on a obtenu le même effet sur la réduction de la quantité de protéines sous l’effet de cette molécule », ajoute Nicolas Lévy.
Des associations thérapeutiques
Deux à trois ans de travaux supplémentaires seront nécessaires avant que les patients ne puissent bénéficier du traitement dans le cadre d’essais cliniques. Dans cet intervalle, les scientifiques vont modifier la molécule afin qu’elle soit tolérée par un organisme vivant. Ils devront aussi prouver son innocuité avant de réaliser les premiers tests chez l’homme.
Mais le fait est là : l’horizon se rapproche pour les patients qui souffrent de vieillissement accéléré. Et le Pr Nicolas Lévy ne masque pas son enthousiasme : « Nous espérons que, lors du passage en essai clinique, cela ralentisse considérablement l’évolution de la maladie, et idéalement que cela puisse la bloquer. »
Cependant, il n’est pas question de rêver de la mythique fontaine de Jouvence. Les lésions déjà présentes ne pourront pas être inversées. Celles-ci font l’objet d’autres travaux en cours. A terme, la stratégie pourrait consister à combiner les molécules qui sont encore à l’essai. Ce qui constitue une véritable amélioration par rapport au désert thérapeutique actuel.
La recherche à pied d’œuvre depuis 2003
Voilà plus d’une décennie que le Pr Nicolas Lévy se penche sur les mystères de la progéria. En 2003, déjà, le généticien marque un jalon dans la connaissance de la maladie. Il identifie la mutation génétique à l’origine de la plupart des cas de syndrome de Hutchinson-Gilford (90 %). Elle se situe sur le chromosome 1 et touche le gène LMNA.
En 2008, l’équipe de l’université d’Aix-Marseille lance un essai clinique à visée thérapeutique. Pendant trois ans, 15 patients européens reçoivent une statine et un bisphosphonate, habituellement utilisé dans l’ostéoporose. « Ces molécules sont efficaces pour lutter contre la toxicité de la protéine qui s’accumule dans le noyau des cellules », résume le Pr Lévy.
Pas de guérison à la clé, mais une espérance de vie allongée et un grain en qualité de vie. Une stratégie savamment calculée. « On savait très bien que cela ralentirait au maximum l’effet de la maladie, nous laissant le temps de trouver un traitement plus efficace », confie Nicolas Lévy.
Depuis, le chercheur a identifié deux nouvelles options thérapeutiques : la metformine, qui a montré un effet positif chez la souris, et la molécule MG132, qui inhibe la production de progérine.