Le Pakistan, l’Afghanistan, le Nigeria, et donc maintenant la Syrie. Le virus de la poliomyélite a presque disparu de la surface du globe, mais ressurgit dans ces quelques pays, en proie à des conflits armés.
En Syrie, 17 cas ont été identifiés à Raqqa et dans la province de Mayadin, à l’est du pays. Pour endiguer une éventuelle épidémie, l’Unicef et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) annoncent le lancement d’une campagne de vaccination, qui concernera 440 000 enfants pour les deux organisations.
Victimes du conflit
Le conflit en Syrie a été désastreux sur le plan de la couverture vaccinale. Alors que les taux d’immunisation avoisinaient les 95 %, ils ont chuté autour de 60 % aujourd’hui, estime Oliver Rosenbauer, le porte-parole de l’OMS pour l’initiative pour l’éradication de la polio.
Une épidémie avait déjà laissé 22 enfants paralysés, notamment dans les zones contrôlées par Daech, qui avait exceptionnellement autorisé la venue sur son territoire d’équipes sanitaires pour réaliser des vaccinations. Un combattant en provenance du Pakistan l’avait probablement importée. Mais cette fois, l’origine est différente.
Alors que précédemment, l’épidémie était due à un virus sauvage de type 1 – trois types ont été identifiés pour la polio –, celle qui sévit actuellement serait causée indirectement par les précédentes campagnes de vaccination.
Polio induite par le vaccin
Le vaccin oral (1) (VPO), très bon marché et très efficace, est utilisé massivement pour immuniser les enfants dans les pays en développement. Mais il comporte un inconvénient : il est fabriqué à partir de souches virales atténuées et peut, dans de très rares cas, causer la maladie.
En traversant le système digestif, des mutations peuvent en effet apparaître sur ces souches. Une fois relâchées par les selles de l’enfant vacciné dans l’environnement, elles peuvent s’avérer dangereuses pour des personnes dont l’immunité est faible. On parle alors de souches circulantes de poliovirus dérivées du vaccin (PVDV).
Vacciner plus
Si le Pakistan, l’Afghanistan et le Nigeria sont les trois seuls pays du monde où la polio sauvage court encore, quelques foyers causés par des PVDV apparaissent régulièrement. Depuis deux ans, une vingtaine de cas sont apparus en Birmanie, en Guinée, au Laos, à Madagascar et même en Ukraine. Début juin, l’OMS annonçait encore que 4 cas avaient été détectés en République démocratique du Congo.
La solution, même si elle peut paraître paradoxale, est de vacciner encore plus. « La stratégie pour combattre l’épidémie qui sévit en Syrie sera la même que celle utilisée pour combattre les contagions dues au poliovirus sauvage : utiliser la vaccination orale pour parvenir à la couverture vaccinale la plus élevée possible parmi les enfants, afin d’interrompre la chaîne de transmission », a déclaré ce jeudi le Dr Michel Zaffran, le directeur pour l’éradication de la poliomyélite au siège de l’OMS.
La vaccination massive a en effet permis de réduire le nombre de cas de 99 % depuis 1988, où 350 000 cas étaient encore recensés dans le monde. En 2016, ils n’étaient plus que 37. La souche 2 du virus a totalement disparu, et aucune contamination par le type 3 n’a été enregistrée depuis 2012.
(1) En France, la vaccination contre la polio repose sur des vaccins antipoliomyélitiques inactivés (VPI). Ils coûtent plus cher que le vaccin oral, mais n’induisent pas de risques de transmission.