Avant même d’être né, ce bébé a sauvé la vie de sa mère. Et la sienne par la même occasion. Les médecins obstétriciens du CHRU de Lille (Nord) ont assisté à un phénomène rarissime, qu’ils décrivent dans l’European Journal of Obstetrics, Gynecology and Reproductive Biology. Une femme de 31 ans a été sauvée d’une rupture utérine par son fœtus. Celui-ci a colmaté la brèche avec son dos, évitant des complications graves.
Lorsqu’elle s’est présentée aux urgences, la patiente qui fait l’objet de cette étude de cas ne présentait aucun signe alarmant. Admise pour des douleurs abdominales subites et fortes, la femme n’avait pas commencé le travail, ne souffrait pas de contractions.
Mais face à sa résistance aux antalgiques, les médecins ont soupçonné un trouble grave : une dissection de l’aorte, pouvant se solder par une hémorragie interne. Un angioscanner a alors été réalisé dans l’urgence. Cet examen permet de visualiser les vaisseaux sanguins, difficilement observables avec les autres types d’imagerie.
L’effet de succion
La future mère ne souffrait pas d’une dissection aortique mais d’une complication bien plus rare liée à sa grossesse. Son utérus, fragilisé par une césarienne précédente, s’est rompu sur une longueur de 10 centimètres. Cela touche moins d’1 % des femmes ayant un utérus cicatriciel.
En temps normal, les symptômes d’une rupture utérine sont clairs : douleurs abdominales, chute de la pression artérielle, contractions plus faibles et anomalies du rythme cardiaque fœtal. Autant de signes qui étaient absents ce jour-là. Et pour cause.
Le fœtus s’est retourné et a collé son dos contre la zone de rupture. Un effet de succion a alors rapproché les parois du muscle utérin, avec plusieurs répercussions positives. Restée dans l’organe de gestation, la poche des eaux ne s’est pas rompue. Le cordon ombilical n’a pas non plus fait de prolapsus et les artères du muscle sont restées intactes.
Un simple œdème
Ni la mère, ni l’enfant n’ont donc souffert des répercussions de cette complication. Un événement incroyable qui suscite l’enthousiasme des médecins. Ceux-ci appellent tout de même les obstétriciens à la prudence : ce cas rappelle que tous les signes cliniques ne sont pas forcément présents, et que la vigilance doit être de mise.
Ce n’est, en effet, pas le premier cas « silencieux » de rupture utérine. Récemment, une patiente opérée pour des fibromes utérins en a souffert sans symptômes. Le bébé, lui, est en parfaite santé, selon le Dr Charles Garabedian interrogé par Le Monde. Né à 2 520 grammes, il présentait « une grosse bosse dans le dos du fait de l’importante aspiration de la région lombaire à travers la brèche utérine », explique l’obstétricien à l’hôpital Jeanne-de-Flandre (Lille). L’œdème s’est résorbé spontanément en quelques heures. Ne laissant qu’un mauvais souvenir à la mère.
Une complication rare de la césarienne
La rupture utérine est une complication très rare de la grossesse. Selon une étude néerlandaise, 0,8 grossesses sur 10 000 sont concernées. Mais cette estimation remonte fortement lorsqu’une première césarienne a été pratiquée par le passé. Cette intervention laisse une cicatrice sur l’utérus, qui est alors plus fragile. Ainsi, 5,1 grossesses pour 10 000 sont à risque de rupture après un accouchement par voie haute.
D’après une méta-analyse internationale, jusqu’à 10 % des femmes pourraient être concernées par une rupture utérine aux deux premiers trimestres de grossesse. Dans la majorité des cas, la complication est repérée suffisamment tôt. Les séquelles fœtales sont évitées mais l’organe doit parfois être retiré.