Le Pr Michel Aubier, ancien chef du service de pneumologie de l’hôpital Bichat (Paris), était poursuivi devant la 31e chambre correctionnelle de Paris. Il était accusé de « faux témoignage » lors de son audition par la commission sénatoriale chargée d’évaluer le coût de la pollution de l’air. Il s'était gardé de faire mention des ses liens financiers avec Total.
Le Pr Aubier ne s’est pas présenté au tribunal pour le verdict, peut-être à tort. La condamnation prononcée a en effet dépassé les réquisitions du parquet, qui réclamait une amende de 30 000 euros à l’encontre du médecin. Il est finalement condamné à 6 mois de prison avec sursis, et 50 000 euros d’amende. Et la sanction aurait pu être encore plus lourde : l’amende aurait pu s’élever à 75 000 euros, et le pneumologue aurait pu passer jusqu’à 5 ans derrière les barreaux.
Condamnation proportionnée
Evelyne Sire-Marin, la présidente du tribunal, a déclaré que la condamnation était « proportionnée à la gravité des faits : mentir devant la représentation nationale ». Le 16 avril 2015, devant la commission sénatoriale, il avait déclaré n’avoir « aucun lien avec les acteurs économiques » du secteur.
C’est sur cette affirmation qu’il a été condamné. Le Pr Aubier est en effet salarié par le groupe Total depuis 1997 comme médecin-conseil. Il est même membre du conseil d’administration de la Fondation Total depuis 2007. En 2014, ses activités au sein du géant pétrolier lui ont rapporté plus de 170 000 euros. Suffisant pour l’accuser de parjure.
Perte de crédibilité
Ces liens posent un problème évident de conflits d’intérêts, et décrédibilisent la parole d’un ponte de la pneumologie souvent convoqué par les médias, et donc par la commission sénatoriale, pour son expertise indépendante.
Sa liberté de parole semble remise en doute, après qu’il a déclaré devant les Sénateurs que le nombre de cancers liés à la pollution était « extrêmement faible ». Une posture déjà exprimée dans les médias, notamment au cours d’une émission d’Allô Docteurs, qui avait fait bondir nombre de ses confrères.
« Je n’ai jamais minimisé les effets de la pollution sur la santé, s’est-il défendu devant le tribunal. Je n’ai jamais été un négationniste ». Pas suffisant pour Mme Sire-Marin : « Les commissions d’enquêtes parlementaires travaillent pour éclairer le législateur dans l’intérêt général, en s’appuyant sur les auditions publiques de personnalités expertes, qu’elles choisissent en toute confiance ». Une confiance trahie par les liens avec Total que le Pr Aubier n’assumait vraisemblablement pas devant la commission.
Une décision saluée
Les ONG Génrations Futures et Écologie sans frontière, impliquées dans l’accusation, ont salué « un verdict exemplaire ». « Nous sommes extrêmement satisfaits, a déclaré Nadir Saïfi, vice-président d’Écologie sans frontière. C’est un message très clair à tous les Aubier de France et d’Europe, qui sont nombreux en situation de conflit d’intérêts. »
« Pour moi, il n’y avait pas de conflit d’intérêts », a insisté le Pr Aubier pendant son procès, avant de reconnaître une erreur de jugement pour n’avoir pas mentionné son contrat avec Total. « Si je me retrouvais dans cette situation aujourd’hui, je le déclarerais ».