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Tour de France

EPO : des chercheurs remettent en cause son effet dopant

Par Jonathan Herchkovitch

La légère hausse de performances observée avec l'EPO pourrait être causée par un effet placebo, selon des chercheurs hollandais. 

Graham Duerden/Epictura
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Les médecins de l’équipe Festina n’auraient pas dopé Richard Virenque à l’insu de son plein gré, et cela, à l’insu de leur propre plein gré. Pas sûr que cette défense tienne devant un tribunal, mais elle peut se tenter, grâce à de nouvelles données sur l’érythropoïétine (EPO) que publie une équipe de chercheurs néerlandais dans The Lancet Haematology.

Leurs recherches mettent en effet en doute les effets dopants de l’EPO. Pour grimper le mont Ventoux (Vaucluse), en tout cas, elle ne donne pas d’avantage face à un placebo, d’après leurs expériences.

Les cyclistes carburent

Cette hormone, produite naturellement par les reins, stimule la fabrication de globules rouges. Elle est utilisée en médecine, sous forme synthétique, pour traiter l’anémie. Elle a aussi rapidement été détournée pour augmenter les performances sportives, en particulier chez les coureurs de fond et les cyclistes.

L’augmentation du nombre de globules rouges dans le sang doit logiquement s’accompagner d’une hausse de la quantité d’oxygène transportée vers les muscles ; plus de carburant, donc de meilleures performances. C’est l’idée derrière son utilisation dans le sport.

Des fans soupçonneux 

Une idée que Jules Heuberger et Joris Rotmans, deux chercheurs de l’université de Leiden (Pays-Bas) – et, sans surprise pour des Néerlandais, mordus de cyclisme – ont remise en question. En parcourant la littérature scientifique sur l’EPO, ils ont émis des doutes sur la solidité des résultats à l’origine de son classement comme produit dopant. En particulier, dans la plupart des études, les participants savaient s’ils prenaient de l’EPO ou non.

Ils ont alors décidé de vérifier par eux-mêmes son efficacité en laboratoire, puis en conditions réelles. Pour cela, ils ont recruté 48 cyclistes, expérimentés mais pas professionnels, qu’ils ont séparés en deux groupes. Pendant huit semaines, le premier groupe de 24 coureurs a reçu des injections d’EPO, et l’autre groupe un placebo, sans savoir qui recevait quelle injection.

Le test du Mont Ventoux

Des épreuves d’effort réalisées en laboratoire ont montré un léger avantage pour le groupe sous EPO. La puissance maximale qu’ils ont développée en moyenne lors d’un effort intense était ainsi supérieure de presque 3 %. On est loin des 10 % de gain généralement annoncés, mais 3 %, pour un sportif de haut niveau, c’est déjà intéressant.

En revanche, lors des phases d’effort de course normale, les différences s’amenuisent. Et, plus intéressant encore, lors d’un test grandeur nature sur le mont Ventoux, après 46 jours de traitement, elles ont complètement disparu. Les coureurs sans EPO ont même fait mieux que leurs collègues dopés !

Réévaluation générale

Ces résultats confirment l’idée des deux cyclistes-chercheurs, et remettent en question la lutte anti-dopage. Actuellement, la liste des produits interdits aux sportifs dépasse les 300 produits. Et, d’après les deux chercheurs, si les données sur l’EPO sont bancales, il doit en être de même pour les autres. Pour être classée comme dopante, une substance doit avoir fait l’objet d’une « expérience » qui a montré qu’elle « peut potentiellement augmenter la performance », d’après les textes officiels de l’Agence mondiale anti-dopage.

Jules Heuberger et Joris Rotmans se réjouissent d’avoir pu montrer qu’il était possible de réaliser des études solides sur le dopage, en respectant les standards les plus élevés de la recherche, notamment via des études en double aveugle. Ils espèrent que les nombreux produits classés comme dopants pourront être réévalués selon ces critères. En attendant, les coureurs du Tour de France qui prennent des risques pour leur carrière pourraient bien les prendre pour rien.