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2 verres par jour

L’alcool tue plus en Europe que partout ailleurs

Par Jonathan Herchkovitch

L’Europe détient le record de consommation d’alcool dans le monde mais aussi celui du nombre de maladies et de décès qui y sont liées.

Maman Voyage/Flickr

On peut le reconnaître en toute objectivité, sans pour autant être qualifié de chauvin : l’Europe – et en particulier la France – est la région du monde où les alcools sont les meilleurs. Bière, alcools forts, vins, champagne… La diversité et la qualité des produits ont chevillé la consommation d’alcool dans les cultures des différents pays qui la composent.

Et cette habitude se traduit dans la consommation. Dans le monde, c’est en Europe qu’on boit le plus, d’après un rapport de United european gastroenterology (UEG), une organisation à but non-lucratif qui rassemble les sociétés savantes européennes sur la santé digestive.

Avec 9 litres d’alcool pur consommés par an et par personne, l’Europe se classe loin devant le continent américain (7,2 L) et la région Pacifique Ouest (5,1 L), avec un score presque deux fois plus élevé que la moyenne mondiale (4,7 L). Un Européen de plus de 15 ans sur cinq se soule au moins une fois par semaine.

 


Consommation d'alcool par région du monde (Source : UEG avec l'OMS)

 

Un verre par jour, minimum

Dans les 28 pays, la consommation moyenne est toujours supérieure à un verre par jour. Ces chiffres suffisent à placer bon nombre d’habitants dans une situation à risque de cancer colorectal ou de l’œsophage. Pour les plus gros buveurs, le risque de cancer du pancréas, du foie et de l’estomac monte en flèche.

 

 

Or, ces cinq maladies sont les cancers digestifs les plus répandus dans le monde, et font plus de trois millions de morts annuellement, soit un tiers de tous les décès liés aux cancers. En associant la consommation d’alcool et les risques sanitaires liés, il n’est donc pas étonnant de constater que l’Europe est aussi le continent où les décès liés à l’alcool sont les plus nombreux.

Faire connaître les risques

La faute, en partie, à un manque de communication claire sur le sujet, estiment les experts d’UAE. Le lien entre alcool et cancers échapperait par exemple à 90 % des Européens. Les recommandations sur les unités d’alcool ne sont pas non plus rigoureuses.

Il faudrait donc harmoniser le message de prévention au niveau européen, pour le rendre plus intelligible. D’autres mesures pourraient être prises : avertissements sur les bouteilles, prix minimums par dose d’alcool, abandon de la pub pour l’alcool à la télévision ou pendant les évènements sportifs…

La France, bonne élève

La France, d’après les rapporteurs, fait figure de modèle en Europe. En une cinquantaine d’années, la consommation de vin y a été divisée par deux, grâce aux règles imposées pour le marketing, ou à des régulations sur l’alcool au travail, par exemple.

Minée par l’alcoolisme, la Lithuanie prendra elle aussi des mesures draconiennes dès 2018. Les personnes de plus de 15 ans y boivent en moyenne l’équivalent de presque 1 000 pintes de bière par an ! La loi que son gouvernement a prévue sera la plus stricte d’Europe. Elle prévoit de retirer la publicité dans les médias, l’alcool de certaines terrasses, de réduire les plages horaires durant lesquelles la vente sera autorisée, la création de commerces spécialisés dans la vente d’alcool, et l’élévation de l’âge légal de 18 à 20 ans.

 


Consommation d'alcool par pays en Europe (Source : UEG)
 

Une lutte sur la durée

« L’un des plus gros challenges dans la lutte contre la consommation excessive d’alcool, c’est le lien profond entre l’alcool et la société européenne, qui est à la fois social et culturel, explique le Pr Markus Peck, hépatologue à l’université de médecine de Vienne (Autriche). Les actions politiques comme l’instauration d’un prix minimum et la réduction de l’accès à l’alcool doivent être prises immédiatement pour prévenir les problèmes à venir. »

Malheureusement, même si en Lithuanie, la nouvelle loi n’a pas rencontré d’opposition particulière, les autres gouvernements européens pourraient se heurter aux lobbys, qui ne se privent pas d’exacerber l’attachement culturel à l’alcool.

Même si la France est vue comme un bon élève pour sa lutte contre l’alcoolisation, les mesures prises sur la publicité ne cessent d’être modifiées : interdiction sur les panneaux d’affichages, mais pas pour la bière et le vin, puis finalement pas non plus pour les alcools forts… À la radio, les publicités pour la bière et les alcools forts ont aussi refait leur apparition. Étant donnée la situation en France, le combat européen contre l’alcool s’annonce compliqué !