Ces images d’archive ont marqué l’esprit de nombreux écoliers. D’abord, les trains remplis à ras bord, en direction de l’Allemagne. Puis ces colonnes composées de milliers de prisonniers, libérés des camps de concentration et d’extermination. Amaigris, maltraités, malades pour la plupart, ces survivants ont pourtant traversé les années. Et les conséquences de ces privations sur la santé varient.
Si elles vivent en moyenne plus longtemps, les victimes de la Shoah sont aussi plus à risque de développer un cancer. C’est ce que montre une étude menée par le Centre médical Chaim-Sheab, en Israël, auprès de 152 600 rescapés. Elle relève, dans la revue Cancer, que les persécutions au cours de la Seconde Guerre mondiale favorisent certaines tumeurs.
Poumon et côlon-rectum
Les auteurs de ces travaux ont observé l’évolution de ces milliers de survivants de la Shoah sur 45 années. Leur analyse s’est effectuée selon deux critères : les compensations obtenues ou non en raison des persécutions causées par l’Allemagne nazie et ses alliées, et le fait de vivre en zone occupée ou non.
Les victimes de l’Holocauste sont défavorisées par rapport à celles qui n’ont pas eu à subir les persécutions du régime nazi. 22 % des juifs qui ont reçu un dédommagement officiel ont développé un cancer, contre 16 % parmi ceux qui n’ont pas reçu une telle compensation. Le risque est particulièrement accru sur deux localisation : côlon-rectum (+12 %) et poumon (+37 %).
Les juifs qui ont vécu sous le régime nazi, que ce soit en Allemagne ou en zone occupée, ne s’en sortent pas mieux. Par rapport aux habitants des pays libres, ils sont 8 % plus à risque de cancer colorectal et 12 % de cancer du poumon.
Sans établir de lien causal, les auteurs de cette étude placent les conditions de vie subies par le peuple juif en tête des hypothèses d’explication. C’est, en effet, le gouvernement israélien qui a fixé les critères d’indemnisation. Et celle-ci était souvent accordée aux personnes qui ont vécu dans un ghetto, un camp de concentration ou un pays sous contrôle nazi.
Des conditions de vie insupportables
Outre le stress psychologique, les victimes de la Shoah ont dû vivre dans des conditions de promiscuité extrême, ce qui favorise l’émergence de maladies infectieuses. Un environnement difficile auquel s’est ajoutée la famine dans les camps et dans les ghettos.
« De telles données soulignent l’importance d’en apprendre plus que les effets conjugués de l’exposition à plusieurs facteurs de risque, de manière intense et simultanée, sur le risque de cancer, comme ce fut le cas pour les victimes de la Seconde Guerre mondiale », estime le Pr Siegal Sadetzki, qui signe ces travaux. Car des études précédentes l’ont montré : les survivants de l’Holocauste n’ont pas mené les mêmes vies que les autres après la libération. Ils vivent en moyenne 6 mois de plus que leurs contemporains.
Mais leurs enfants souffrent aussi plus de schizophrénie – et de formes plus graves – d’après une étude menée sur des Israéliens dont les parents ont connu les persécutions. Une exposition in utero a ainsi tendance à aggraver les symptômes.