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Note de l’OFDT

Codéine : les pouvoirs publics s'inquiètent des usages détournés

Par Ambre Amias

L’Observatoire des drogues alerte sur la consommation croissante de « purple drank », des boissons contenant de la codéine contenue dans des médicaments.

bhofack2/Epictura

Le décès le 2 mai dernier de Pauline Cebo, une adolescente d’à peine 16 ans, aura au moins permis d’éveiller les consciences sur les détournements de la codéine. Après 10 jours de coma, elle était finalement décédée d’une overdose d’opiacés, provoquée par des « purple drank », des boissons à base de codéine consommées lors d’une soirée.

Après l’Agence française de sécurité du médicament (ANSM), c’est au tour de l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT) de tirer la sonnette d’alarme. Dans une note parue ce mardi, il alerte notamment contre l’évolution de ces détournements.
 

En recrudescence depuis 2013

« Repérées pour la première fois en 2013, des demandes suspectes de délivrance de codéinés, des cas d’abus, voire de dépendance, chez des adolescents et jeunes adultes ont continué de faire l’objet de signalements avec une multiplication de cas à partir de 2015 », souligne la note de l’OFDT. Depuis les premiers signalements dans l’ouest de la France, notamment en Aquitaine, leur utilisation se serait étendue à l’ensemble du territoire.

L'Observatoire signale en particulier une « extension possible de ces conduites préoccupantes qui peuvent prendre désormais la forme de consommations non diluées de substances codéinées et d’usages hors de tout contexte festif ».

Les usagers ne sont en effet pas les toxicomanes habituels. Ils sont jeunes, intégrés, et ne sont pas consommateurs de drogues, hormis le cannabis, précise l’observatoire. Les purple dranks sont plutôt consommés comme de l’alcool.

Sprite et codéine

Les « purple drank », aussi appelées « lean », « codé », ou encore « cocktail bleu » du côté de Marseille, sont avant tout consommées en soirée, le week end. Ce sont des mélanges de sodas avec des médicaments en vente libre, contenant de la codéine, sirops antitussifs et antalgiques notamment. Des antihistaminiques y sont souvent ajoutés. 

« Ils retirent un quart du liquide contenu dans la bouteille de Sprite, ajoutent 3 à 20 comprimés de Phenergan (antihistaminique, ndlr) et attendent que le « gaz monte » (sic), explique un représentant du groupe focal sanitaire du dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues (TREND) de l’OFDT. Un flacon d’Euphon (antitussif codéine, ndlr) est ajouté, ainsi que des bonbons – Dragibus ou Jelly Ranch ».

Les effets morphiniques

Le but, atteindre « une impression de légèreté, comme de voler », témoigne une étudiante dentaire de Bordeaux. Les effets classiques de la morphine. En se dégradant dans l’organisme, 10 % de la codéine se transforme en effet en morphine.

« Les jeunes évoquent aussi des sensations d’ivresse analogues aux effets de l’alcool, le mélange de médicaments devenant une alternative choisie par ceux qui ne consomment pas d’alcool, y compris pour des raisons culturelles », précise l’OFDT.

Confiance mal placée

Les consommateurs ont toute confiance en ces médicaments en vente libre, qui leur permettent de se défoncer sans avoir affaire à des dealeurs. Mais, même si ces médicaments sont en vente libre, ils n’en sont pas pour autant déchargés d’effets secondaires.

À court terme des troubles du sommeil et du transit, ainsi que des démangeaisons peuvent apparaître. Des cas plus graves de consommation ont mené à des hospitalisations, durant lesquelles des troubles de la vigilance, du comportement, mais surtout des crises convulsives généralisées ont été observées.

Accoutumance et overdoses

« À plus long terme, l’usage détourné de médicaments codéinés peut entraîner une accoutumance, voire une dépendance, ajoute l’OFDT. Le risque de surdose (dépression respiratoire) est également majoré par le mélange des molécules et la consommation d’alcool. L’ANSM indique deux cas de décès de jeunes consécutifs à l’abus de ces médicaments survenus en 2017 à la mi-année. » L’un d’entre eux était Pauline. Cinq cas d’intoxication ont été recensés.

Deux solutions principales sont envisagées pour juguler les détournements de médicaments en vente libre. La première, la plus simple, consiste à les placer sur la liste des médicaments délivrés sur ordonnance. Elle permettrait de mettre un terme presque immédiat aux détournements les plus fréquents dans la population non toxicomane. Revers de la médaille : ces spécialités antalgiques ne seront plus aussi accessibles en automédication de douleurs aiguës. Autre piste évoquée : interdire la vente de médicaments aux mineurs. Plus radicale, cette solution impliquerait la rédaction d’une loi.

 

 

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