On ne guérit pas du VIH. Les avancées réalisées depuis plus de 20 ans du côté des traitements poussent parfois à l'oublier. Ils fonctionnent bien, permettent de stabiliser les patients et font baisser la charge virale. Si bien que leur découverte et leur démocratisation sont en grande partie responsables de la baisse de 45 % du nombre de décès liés à l'infection depuis 2005.
Mais l'arrêt des traitements antirétroviraux signifie toujours le retour du virus. En attendant l'arrivée d'un vaccin réellement efficace, ils sont encore le seul rempart médical, et doivent être pris à vie, tous les jours. Peut-être plus pour très longtemps.
Des prises espacées
Des adaptations de la galénique – la forme sous laquelle sont pris les médicament – sont à l'étude, pour alléger le poids de la prise des traitements. « Moins de médicaments, moins de contraintes », résume pour Pourquoidocteur le Pr Pierre-Marie Girard, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Antoine, et spécialiste du VIH.
De dizaines de médicaments à avaler par jour, les traitements se sont déjà simplifiés pour se limiter à une pilule quotidienne. Mais les laboratoires continuent d'innover. « Nous voyons se profiler des traitements à très longue durée, y compris sous forme injectable, précise le Pr Girard La prévention et le traitement pourraient reposer sur des injections trimestrielles, voire semestrielles. Cela pourrait représenter une petite révolution. »
Pour bientôt
Par différentes méthodes, notamment l'utilisation de nanotechnologies, les molécules seront délivrées en continu, ajoute le Pr Girard. Et ce n'est pas de la science-fiction. « Des essais cliniques sont en cours pour valider ces nouveaux traitements, poursuit-il. De petits implants, qui pourraient être portés pendant un an, sont également en développement. »
Leur arrivée sur le marché ne devrait pas se faire attendre trop longtemps. Les essais sont dans leurs phases finales, et le médecin estime qu'ils pourraient faire leur apparition d'ici deux ans. Un pas de plus pour favoriser la qualité de vie des patients.
Vers la rémission
Mais le graal thérapeutique, ce que les chercheurs tentent d'atteindre depuis de nombreuses années, c'est un traitement curatif. Et, de ce côté, il faudra encore attendre. « Nous cherchons tous azimuts, mais nous n'y parvenons pas », regrette le Pr Girard.
Le but, pour l'instant, serait de trouver des traitements qui ne mènent pas forcément à la guérison, mais au moins à la rémission. Après une phase de traitement, la charge virale serait nulle ou indétectable, à long terme, sans avoir besoin de continuer les médicaments. Comme pour le cancer, quand maladie est en recul, un suivi spécifique serait néanmoins nécessaire, afin de surveiller une éventuelle rechute.
Une réussite scientifique globale
Les traitements actuels sont déjà une réelle chance. L'émergence soudaine et spectaculaire du Sida dans les années 1980 a mobilisé les chercheurs du monde entier, qui se sont mis en quête de solutions. Et, après à peine plus de 10 ans de recherche, les premiers antirétroviraux, certes moins efficaces que les traitements actuels et comportant plus d'effets secondaires, ont vu le jour en 1995. Ce qui représente un record pour la prise en charge de ce type de maladie.
L'espérance de vie des personnes séropositives est aujourd'hui équivalente à celle du reste de la population. Leur qualité de vie est, elle aussi, presque similaire. Les transformations morphologiques observées avec les premiers antirétroviraux, notamment au niveau du visage, semblent oubliées. « Je le dis encore prudemment, mais c'est de l'histoire ancienne », d'après le Pr Girard.
Les problèmes digestifs en début de traitement, les risques vasculaires et métaboliques (diabète) sont bien connus, et anticipés. Grâce à la prévention, ils peuvent être gérés. En revanche, le risque accru de cancers est plus difficile à gérer. Les chercheurs se penchent aussi sur d'éventuelles atteintes neurologiques : dépressions et maladies d'Alzheimer précoces pourraient être attribuées aux traitements.
Ces conséquences sont encore là pour rappeler que le VIH reste une infection dangereuse. De nombreux efforts doivent encore être consentis pour son éradication avant 2030, souhaitée par ONUSIDA, qui estime la tâche possible. Mais tout ne peut pas reposer sur les traitements.
La science ne fait pas tout
« Nous avons encore besoin de recherche fondamentale », rappelle le Pr Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008 pour sa co-découverte en 1983 du virus à l'origine du Sida. Les efforts consentis depuis plus de 30 ans ont prolongé la vie des personnes séropositives et fait baisser le nombre de contaminations.
Mais à ce jour, encore 37 millions de personnes sont porteuses du VIH dans le monde. Le virus fait encore un million de morts par an, et contamine 2 millions d'individus. Près de la moitié des séropositifs s'ignorent, et seulement la moitié sont sous traitement.
« On en parle beaucoup moins, mais l'épidémie est toujours là, insiste la chercheuse. Pour l'éradiquer, il faudra un vaccin. Mais les priorités ne sont pas seulement scientifiques », Le Sida et le VIH ont une portée sociale incontestable.
Une portée qui se retrouve dans les slogans utilisés pour les campagnes de sensibilisation, estime le Pr Barré-Sinoussi. Alors que, jusqu'au milieu des années 1990, avant l'arrivé des premiers antirétroviraux, le mot d'ordre était l'union sacrée internationale, notamment sur la recherche, ils ont rapidement ciblé la discrimination. De « Unissons nos forces » en 1991 à « Vivre et laisser vivre » de 2003, l'esprit de la lutte a changé. Plus récemment, ce sont les inégalités Nord-Sud, notamment dans les accès aux traitement, qui ont été attaquées. En 2014, le thème de la journée mondiale était « Combler l'écart ».
C'est aussi de ce côté que la lutte doit progresser, pour remplir l'objectif fixé par ONUSIDA. Et l'harmonisation internationale demandera beaucoup d'efforts. « Il faut mieux éduquer, renforcer les systèmes de santé, améliorer les politiques nationales, coordonner les soins et le dépistage, favoriser la prise en charge précoce, estime le Pr Barré-Sinoussi. Il faut aussi insister sur la tolérance. Aujourd'hui encore, plus de 70 pays dans le monde ont des législations discriminatoires envers les séropositifs. C'est inacceptable. »