La fin de la lune de miel aurait-elle sonné pour le baclofène ? Encensé par les addictologues, ce médicament est soupçonné de réduire la dépendance à l’alcool. Mais les essais cliniques faisant état d’un impact mineur se succèdent. De hautes doses sont pourtant administrées.
Plus inquiétant, la dernière étude en date a montré un risque accru d’hospitalisation et de décès au-delà de 75 mg par jour. Ces résultats ont poussé l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à revoir sa stratégie.
La Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU), en vigueur depuis 2014, a été révisée. Désormais, les médecins ne pourront pas prescrire plus de 80 mg de baclofène par jour. Ce qui suscite colère et incompréhension du côté des praticiens.
Une transition difficile
Du côté des addictologues, l’inquiétude domine. D’après l’étude menée par l’Inserm et la Caisse nationale d’Assurance maladie, 1 % des patients seulement prennent des doses de bacofène supérieures à 180 mg par jour. Et seulement 9 % consomment des doses élevées.
Mais les spécialistes de la dépendance à l’alcool craignent que la transition vers la nouvelle posologie ne soit difficile. Voire dangereuse. « La décroissance des doses ne pourra se faire que progressivement, augure la branche généraliste de la Fédération Addiction dans un communiqué. Un certain nombre de médecins généralistes continueront de prescrire, hors RTU et hors AMM, les doses suffisantes de baclofène ».
Les patients seront alors en dehors de tout système de pharmacovigilance, ce qui présente un risque réel. En l’état, l’association regrette que les résultats de la dernière étude, Bacloville, ne soient pas attendus.
49 000 décès par an
La réduction de la dose maximale pourrait aussi avoir un effet contre-productif, selon MG Addiction. En l’absence d’une prise en charge adaptée, les patients poursuivront leur consommation à risque. Et les dégâts causés par l’alcool ne laissent aucune place à la polémique.
Chaque année, 49 000 décès prématurés sont liés à cette substance. « Les conséquences de l’absence de traitement à dose efficace (…) sont autrement plus lourdes que les inconvénients du baclofène », estime MG Addiction.
Au-delà de la décision de l’ANSM, c’est toute l’étude réalisée à l’origine de cette révision qui est sous le feu des critiques. Les spécialistes de l’addictologie pointent un défaut majeur : elle ne porte pas sur les patients inclus dans la RTU.
La méthode en doute
Seules les personnes en échec thérapeutique peuvent intégrer la recommandation temporaire d’utilisation. Elles doivent donc avoir essayé d’autres médicaments autorisés (acamprosate, naltrexone, nalméfène, disulfiram). L’étude de l’Inserm, elle, porte sur des maladies qui n’ont jamais été exposés à un autre traitement. Un biais majeur, en croire MG Addiction.
L’association pointe aussi les grandes différences entre les groupes sous baclofène et sous les autres traitements, sur le plan de l’âge comme des comorbidités. Résultat : toute comparaison perd son sens, selon ces praticiens.
L’association Baclofène a un discours très proche. Elle se montre très critique à l’écart de la méthode adoptée, qui ne prend pas en compte la gravité de la dépendance ou la présence d’autres pathologies psychiatriques.
La décision de l’ANSM est donc jugée illégitime par de nombreux acteurs de la dépendance à l’alcool. Ce qui augure mal pour la suite. Il est fort probable, en effet, que les prescriptions se poursuivent sans respect des recommandations officielles.