Aux grands maux, les grands remèdes. Depuis ce 12 juillet, les médicaments à base d’opiacés ne sont plus directement disponibles dans les pharmacies françaises. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a signé un arrêté qui place la codéine, ainsi que 3 autres dérivés morphiniques (dextrométhorphane, éthylmorphine, noscapine), sur la liste des médicaments soumis à ordonnance.
La locataire de l’avenue Duquesne n’a pas perdu de temps dans la mise en œuvre de cet arrêté. Il est immédiatement effectif. Cette décision marque l’aboutissement d’une inquiétude montante de la part des autorités sanitaires.
Un mésusage croissant
A l’origine de cet arrêté, une mode venue des Etats-Unis. Des adolescents, parfois âgés de seulement 12 ans, se préparent un cocktail baptisé Purple drank, en hommage à sa couleur violacée. Sa composition : du soda, des antihistaminiques et de la codéine. Mais la défonce médicamenteuse vire à l’amer. Depuis le début de l’année, 5 cas d’intoxications graves ont été signalés, dont deux mortels.
Dès 2016, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’alarme de cette tendance et appelle les professionnels de santé à la prudence. Au mois de juin, elle tire la sonnette d’alarme, et envisage la remise en question du mode de délivrance. De fait, le signalement est probablement inférieur à l'évolution réelle.
Rien qu'en région Midi-Pyrénées, 5 pharmacies ont signalé des demandes régulières - parfois quotidiennes - de la part de jeunes gens. Sur les trois hospitalisations analysées, pour l'occasion, par le Centre régional de pharmacovigilance aucune n'avait fait l'objet d'un signalement.
Des cas d'addiction
Au-delà de cet usage récréatif, la molécule est aussi hautement addictive, et peut provoquer des dépendances. « Aux centres de la douleur, on est souvent amenés à prendre en charge des patients douloureux et dépendants à la morphine », confirme à Pourquoidocteur le Dr Christian Gov, médecin algologue au centre de la douleur du CHU de Lyon (Rhône).
A ces dépendances « classiques » s’ajoutent les approches de substitution. « Des usagers d’héroïne gèrent ainsi les périodes de manque, par des prises de Néocodion par exemple », illustre le Pr Nicolas Authier, du service de pharmacologie médicale au CHU de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), interrogé par Slate.
Une molécule à risque
L’abus de codéine inquiète, et à raison. Comme la morphine, cette substance est un opiacé – c’est-à-dire un produit dérivé de l’opium extrait d’un type de pavot. S’il s’agit d’un morphinique mineur, il ne doit pas être pris à la légère.
« La codéine passe au niveau du foie, où elle est transformée en morphine, explique le Dr Christian Gov. Peu de gens le savent, mais 10 % des gens la métaboliseront très vite. Ils ont alors une quantité importante de morphine dans le sang. » Des problèmes de surdosage peuvent donc survenir.
Ce sont d’ailleurs ces risques qui ont poussé les autorités européennes à revoir les indications de la codéine, en 2015. Dans toute l’Union européenne, la molécule ne peut être prescrite qu’après 12 ans. Avant cet âge, le risque de troubles respiratoires graves est jugé trop élevé.