- Parmi les hommes qui fréquentent les lieux de convivialité gay, 45 % ont eu plus de 10 partenaires dans l'année.
- 32 % ne portent pas systématiquement de préservatif lors d'un rapport anal.
- 21 % ont déjà pris des substances psychoactives avant ou pendant un rapport sexuel.
- Ces pratiques augmentent le risque de contracter une infection sexuellement transmissible, dont le VIH.
La lutte contre l’épidémie de VIH doit s’intensifier. Et surtout, s’adapter aux publics jeunes. En effet, la propagation du virus tend à ralentir chez les adultes. Mais entre 18 et 24 ans, elle reste plus élevée qu’ailleurs en Europe. Cela doit pousser les autorités sanitaires à modifier leur approche.
Ces conclusions émanent d’un groupe d’experts de Santé publique France, auteurs d’un article dédié dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH).
Ils ont analysé la dynamique des infections par le VIH au sein d’une population spécifique : les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) et qui fréquentent des lieux de convivialité gay – comme des bars, des backrooms ou encore des saunas.
Le défi de la modernité
Parmi les participants à l’étude, 6 % des moins de 30 ans sont séropositifs. Le taux de contamination augmente avec l’âge, pour atteindre un répondant sur cinq après 45 ans.
Mais ça n’est pas ce qui inquiète le plus les auteurs de cet article. La circulation du VIH est plus élevée chez les jeunes Français que partout en Europe. Et elle continue d’augmenter.
Historiquement, les lieux de convivialité gay sont au cœur des programmes de lutte contre le VIH. Très impliqués dans la prévention, ils proposent une information pléthorique à ceux qui s’y rendent. Mais s’ils continuent d’être fréquentés, ils s’effacent au profit des nouvelles technologies, qui ne bénéficient pas du même partenariat.
De fait, les applications de rencontre pèsent de plus en plus lourd dans la balance. « La diversification des réseaux sexuels et des modalités de rencontre (applications mobiles géo-localisées notamment) est un réel défi pour les dispositifs d’information et de prévention », reconnaît en éditorial le Pr François Dabis.
Le directeur de l’Agence nationale de recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS) juge nécessaire de diversifier les approches de recherche, afin de mieux comprendre les nouvelles pratiques.
Un bon taux de détection
Les inégalités restent aussi très lourdes entre les différentes villes incluses dans l’étude. En moyenne, 14,3 % des HSH qui fréquentent bars, saunas et backrooms sont infectés par le VIH. Mais la population touchée varie du simple au double entre Lille, la moins affectée, et Nice ou Paris.
Ce constat n’a rien de surprenant, puisque les résultats correspondent à la dynamique de l’épidémie dans le pays. Les auteurs soulignent aussi l’impact majeur du nombre de lieux de convivialité dans la région. A Paris, Nice ou Montpellier, ces espaces sont nombreux et souvent associés à une consommation sexuelle à risque.
Pour autant, tout n’est pas sombre dans ce nouveau bilan. Grâce à l’implication des lieux fréquentés par les HSH, la plupart des personnes séropositives savent qu’elles sont porteuses du VIH. Seuls 9 % des interrogés l’ignorent. Le taux de prise en charge est également très bon, puisque 95 % des hommes séropositifs bénéficient d’un traitement antirétroviral.
Elargir la prévention
Ces résultats sont de bonne augure. L’Onusida a fixé un objectif pour 2020 : que 90 % des personnes infectées soient dépistées, que 90 % de celles-ci soient traitées, et que 90 % de ces dernières aient une charge virale indétectable.
Au vu des données actuelles, nombre d’éléments sont rassemblés pour freiner durablement l’épidémie de VIH. Car une fois la charge virale réduite à un niveau minimum, le risque de contamination est nul. Les rapports non protégés sont donc moins à risque.
Mais le Pr François Dabis insiste sur un point : l’offre de prévention doit continuer de s’élargir afin d’améliorer encore le bilan. « Il est clair au vu de ces données d’enquête que la prévention diversifiée doit devenir rapidement la règle, tout particulièrement chez les HSH en France », écrit-il.
Quatre axes sont prioritaires : la promotion continue de l’usage du préservatif, l’accès élargi à la prophylaxie pré-exposition (PrEP), la pratique élevée du dépistage des IST et l’adoption des vaccinations recommandées. Leur mise en œuvre est « nécessaire et urgente », insiste François Dabis.
Il serait aussi judicieux, aux yeux du directeur de l’ANRS, de développer la notification d’une infection aux partenaires, dans le but d’améliorer le dépistage. Cette stratégie « a démontré tout son intérêt depuis de nombreuses années dans plusieurs pays anglo-saxons en tant qu’élément d’une stratégie globale de prévention des infections sexuellement transmissibles », souligne-t-il.
L’épidémie stagne depuis 2011
« Les 6 000 nouvelles découvertes de séropositivité chaque année pèsent encore lourdement sur le fardeau de la maladie, sur notre système de santé et témoignent des insuffisances en matière de prévention », déplore François Dabis, en éditorial de ce BEH. Depuis 2011, l’épidémie de VIH stagne en France, malgré la diversification des offres de prévention.
Certaines populations sont particulièrement à risque de contamination, notamment si elles fréquentent des lieux de convivialité gay. Se rendre dans les backrooms augmente considérablement la probabilité d’être séropositif, tout comme le fait d’avoir des rapports anaux non protégés ou d’avoir déjà contracté une infection sexuellement transmissible (IST).