Alphabet, a décidément des activités bien diverses. Déjà impliquée dans le domaine de la santé, la maison mère de Google se lance désormais dans la chasse aux moustiques. Ou plutôt dans le lâcher de moustiques. Sa filiale Verily compte introduire quelques 20 millions de moustiques mâles dans la ville de Fresno, en Californie (États-Unis).
Ce n’est pas une attaque vicieuse d’une multinationale diabolique, mais une tentative pour limiter la propagation du moustique Aedes aegypti, vecteur de transmission de Zika. Les moustiques relâchés ne donneront pas de progéniture.
Une bactérie stérilisante
Les moustiques ne sont pas génétiquement modifiés. Ils ont été infectés par une bactérie naturelle et bien connue, Wolbachia, qui affecte de nombreux insectes. Elle rend notamment les moustiques stériles : les mâles relâchés s’accoupleront, mais les œufs n’écloront jamais.
Ils « prennent la place » de congénères fertiles. Ainsi, la méthode devrait faire baisser de manière mécanique le nombre d’individus, sans pour autant augmenter les risques de piqûre, puisque les mâles ne piquent pas.
Le projet avait été annoncé par Verily en octobre dernier. L’entreprise a travaillé à la création de deux dispositifs : le premier produit des moustiques mâles exclusivement, et infectés par Wolbachia, de manière automatisée et à grande échelle. Le second a été conçu pour faciliter le lâcher des insectes dans la nature.
Un intérêt non dévoilé
Il reste à se demander quel est l’intérêt de Google dans la manœuvre. La société n’a pas souhaité communiquer la hauteur de l’investissement consenti, et le gain financier potentiel est encore flou, le contrôle des moustiques étant d’ordinaire géré par les autorités sanitaires publiques.
La réponse officielle a été formulée en octobre par Linus Upson, un ingénieur de la firme, à la tête du projet de Verily. Google lance souvent de nouveaux produits, comme le navigateur gratuit Chrome – dont il a précédemment dirigé le développement –, même s’il n’y a pas d’argent à gagner à court terme, avait-il alors expliqué. « Nous n’avons pas besoin de toutes les réponses pour se lancer. Nous verrons ce que cela va donner. »
Niche écologique vacante
Et les ingénieurs n’ont visiblement pas chômé. Pendant 20 semaines, c'est 1 million de moustiques qui devraient être introduits à Fresno de manière hebdomadaire.
La méthode devrait faire baisser efficacement et progressivement la population d’Aedes aegypti, mais n’est pas sans risques, d’après Anna-Bella Failloux, entomologiste et responsable de l’unité Arbovirus et Insectes Vecteurs à l’Institut Pasteur.
« Elle mène à une éradication du moustique ce qui signifie qu’une niche écologique sera vacante, avait-elle expliqué à Pourquoidocteur en 2016, interrogée sur l’utilité de ce genre de procédé de réduction des populations de moustiques. Cette niche pourrait être remplie par d’autres moustiques, comme Aedes albopictus. Ainsi, cette stratégie pourrait être efficace si elle s’applique à plusieurs espèces, mais je ne suis pas sûre qu’elle le soit à long terme ».