ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Le cannabis thérapeutique divise les médecins

Le cannabis thérapeutique divise les médecins

Par Philippe Berrebi

MOTS-CLÉS :

« Ma maladie est incurable et seul le cannabis me soulage ». En décembre dernier, un homme de 40 ans, myopathe, plaidait sa cause devant le tribunal. Poursuivi pour « usage et détention » de cette drogue, il cultivait quelques pieds à son domicile. « Je ne demande pas qu’on légalise le cannabis (…) mais seulement qu’on tolère son usage thérapeutique », demandait-il. Le Parquet avait requis 300 euros d’amende avec sursis, rappelle Pierre Bienvault dans La Croix. Et la justice doit se prononcer aujourd’hui.

Une décision dont la valeur symbolique n’a pas échappé aux observateurs. Elle intervient au moment où Marisol Touraine a saisi l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) sur l’usage du Sativex. L’étude de ce dossier a pour objectif de lui accorder une autorisation de mise sur le marché (Amm) dans une indication d’antidouleur chez les personnes atteintes de sclérose en plaques (Sep). Les principes actifs de ce médicament sont des cannabinoïdes, c’est-à-dire des dérivés du… cannabis. Il est déjà utilisé en Amérique du nord et dans certains pays en Europe sous forme de spray.
« L’autorisation du Sativex serait un bon moyen d’ouvrir le débat sur le cannabis thérapeutique, car pour l’instant, tout est encore très verrouillé sur ce sujet », estime dans le journal La Croix le Dr Bertrand Lebeau, addictologue à l’hôpital de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). En France, un seul médicament, le Marinol, un dérivé du cannabis, peut être délivré à des patients, mais dans des conditions strictes et nécessitant une procédure lourde. De nombreux addictologues reconnaissent l’apport de ce type de médicament dans la prise en charge de la douleur ou lorsque les autres traitements ont échoué.

Alors pourquoi d’autres pays ont-ils autorisé l’usage thérapeutique, et pas la France ? Parce que le débat glisse d’emblée sur une question de société et s’éloigne du terrain médical. « C’est un moyen déguisé pour arriver à sa dépénalisation », confie au quotidien Jean Costentin. Pour ce professeur de pharmacologie au CHU de Rouen, « le bénéfice de ces médicaments reste d’une extrême modestie alors que les risques sont nombreux ». D’autres médicaments existent pour traiter la douleur, affirme-t-il. Justement, Dominique Loumachi, atteint de myopathie, qui attend le verdict, faisait valoir, pour sa défense, que les autres traitements n'avaient pas réussi à calmer ses terribles douleurs.