Cette année encore, la PrEP (prophylaxie pré-exposition) est la star du Congrès de l’International AIDS Society. Il faut dire qu’elle véhicule un espoir formidable : marquer un coup d’arrêt à la propagation du VIH dans les populations les plus touchées. Parmi les multiples études présentées à cette grand-messe, organisée du 23 au 26 juillet au Palais des congrès de Paris, l’essai IPERGAY s’est distingué.
Les résultats publiés dans le Lancet HIV font état d’une très haute efficacité de cette approche. Pris correctement, le Truvada permet de réduire le risque de transmission du VIH de 97 % chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).
Face à ces retombées solides, le scepticisme se lève progressivement, et des milliers d’hommes dans le monde adhèrent à cette nouvelle approche. Mais des réserves persistent. Au rang des inquiétudes, l’impact que la PrEP pourrait avoir sur les autres infections sexuellement transmissibles (IST), tout aussi répandues.
Un risque émergent
De fait, les hommes sous PrEP ont, plus que les autres, tendance à délaisser le préservatif. Malgré les incitations des professionnels de santé, qui rappellent à l’envi que le Truvada ne protège pas des autres IST. C’est ce qu’a pu constater Jeffrey Parsons, du Center for HIV Educational Studies & Training (CHEST) à New-York (Etats-Unis), qui a mené une étude sur le parcours des personnes vues en consultation.
En l’espace de deux ans, le chercheur a observé une progression des rapports non protégés après le passage sous PrEP… et une hausse comparable des IST. Et c’est bien la stratégie qui est en cause. 3 % des hommes ont abandonné la PrEP au cours du suivi. Après l’arrêt du traitement préventif, le recours au préservatif augmente de nouveau.
Ces résultats sont importants, car les co-infections par le VIH et une autre IST sont fréquentes, surtout chez les HSH. Comme l’a montré une étude présentée par Florence Lot, chercheuse à Santé publique France, un tiers des HSH sont co-infectés. La syphilis est particulièrement présente dans cette population.
Et ces co-infections se font de plus en plus fréquentes. En 2012, 12,6 % des Français récemment diagnostiqués étaient porteurs d’une autre IST. En 2016, ils étaient 18 %. L’abandon du préservatif pourrait donc favoriser l’émergence d’autres pathologies infectieuses.
Une occasion supplémentaire
Pour les experts du domaine, ces résultats soulignent l’importance de développer une prévention combinée chez les personnes à haut risque. Le dépistage du VIH représente aussi l’occasion de rechercher d’autres pathologies. C’est le choix qu’a fait la France.
Dans le cadre des consultations PrEP, les bénéficiaires se voient aussi proposer une offre de santé sexuelle plus large. « Avec les nouvelles recommandations de dépistage du VIH, on recherche les autres IST tous les trois mois », a expliqué Florence Lot lors de sa présentation. Auparavant, ces tests étaient conseillés une fois par an.
Le problème, c’est que tous les professionnels de santé ne se montrent pas aussi stricts dans leur approche. Un récent sondage réalisé par Jeffrey Parsons a montré qu’à New-York, les soignants ne réalisent pas tous les examens recommandés.
Si la majorité des hommes réalisent un test sanguin et des urines, seuls la moitié subissent aussi un prélèvement rectal. « Nous devons nous améliorer, tranche l’Américain. Les professionnels de santé doivent réaliser l’ensemble des tests de dépistage. »
Ce n’est, en effet, qu’à ce prix que les IST seront repérées et traitées à temps, évitant une propagation supplémentaire. L’effort est d’autant plus nécessaire que la majorité des infections ne provoquent pas de symptômes.
Un catalyseur
Ce suivi renforcé et intransigeant finit par porter ses fruits. Grâce au dépistage régulier permis par la PrEP, la lutte contre les IST de manière plus large s’organise. Au plus grand centre dédié de Londres, 56 Dean Street, les diagnostics de gonorrhée ont chuté de 24 %. Les infection à chlamydia ont elles aussi marqué le pas.
« A l’hôpital Saint-Louis, on commence à observer les résultats de notre stratégie, ajoute Jean-Michel Molina, directeur du service d’infectiologie de l’établissement parisien. La PrEP peut aider à une meilleure évaluation, un meilleur traitement et un meilleur dépistage des IST dans le cadre d’un suivi renforcé. »
C’est également l’avis de Rachel Baggaley, chargée de la prévention du VIH à l’Organisation mondiale de la santé. « Nous voyons la PrEP comme un catalyseur vers une offre plus large », a-t-elle expliqué.